Entre l'Allemagne, où il est né, et la Turquie, où sont nés ses parents, le réalisateur Fatih Akin signe avec De l'autre côté un nouvel essai sur l'identité et les racines, culturelles et familiales. Entrevue avec un jeune réalisateur à qui le succès et les prix (entre autres, à Cannes pour le scénario De l'autre côté) n'ont pas donné la grosse tête.

De l'autre côté a été inspiré à Fatih Akin par plusieurs rencontres, dont celle avec l'égérie de Fassbinder Hanna Schygulla. «J'ai rencontré Hannah Schygulla lors d'une rétrospective qui lui était consacrée, à Belgrade, en 2004. Quelques mois après, elle a voulu que je l'interviewe pour un livre. Je venais de finir Crossing the Bridge: The Sound of Istanbul, et je pensais faire un film avec Hannah Schygulla. J'ai écrit la première version en cinq semaines», explique le réalisateur, joint au téléphone en Allemagne.

De l'autre côté est un triptyque familial, dans lequel les drames se nouent en Allemagne et en Turquie. Le film s'ouvre sur le destin d'Ali, immigré turc esseulé de Hambourg, qui s'offre la compagnie à temps plein de Yeter, une prostituée d'origine turque au grand coeur.

Le fils d'Ali, Nejat, professeur de littérature allemande à l'Université de Hambourg, voit l'arrivée de Yeter d'un mauvais oeil, mais ne tarde pas à se laisser toucher par cette femme qui se prostitue pour payer des études à sa fille, restée en Turquie. Ayten, elle, est une jeune militante altermondialiste. Ses activités la mènent en Allemagne, où elle rencontre Lotte, au grand dam de sa mère, Susan (Hanna Schygulla).

Un homme de famille

Au coeur des allers-retours entre l'Allemagne et la Turquie, Akin dessine, sans trop en faire, des proches qui se ratent ou qui ne parviennent pas à s'aimer à temps. Fatih Akin ne croit pas, pourtant, se montrer pessimiste sur la nature des relations familiales (au coeur desquelles, le tandem père-fils et le tandem mère-fille occupent une belle place).

«En fin de compte, ils finissent par se retrouver. Dans toutes les familles, vous avez des conflits. C'est quelque chose d'assez ordinaire. Moi, je pousse ces conflits jusqu'à la mort si vous voulez, mais je suis, sinon, un homme de famille. C'est la seule chose à laquelle je crois», répond le réalisateur.

Dans De l'autre côté, on retrouve le goût d'Akin pour les voyages et la beauté des rencontres, goût dont fait foi Crossing the Bridge: The Sound of Itsanbul, son précédent film (documentaire). Avec De l'autre côté, Fatih Akin poursuit aussi une trilogie entamée en 2003 avec Head On (Ours d'or à Berlin en 2004).

À côté des richesses de ses personnages, De l'autre côté montre l'autre facette de l'immigration turque en Allemagne (souvent rendue responsable de tous les problèmes sociaux), mais aussi l'autre facette des débats sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. La jeune Ayten s'y oppose corps et âme.

«Je ne dis pas "Fuck UE" dans le film, et mes positions sont différentes de celles qui sont mentionnées, explique Fatih Akin. Mais je voulais parler de cette position qui surprend un peu en Europe, de ceux qui, en Turquie, s'opposent à l'adhésion de leur pays à l'Union européenne.»