L'idée: un robot solitaire et romantique. Le résultat: WALL-E. Andrew Stanton, coscénariste et réalisateur du nouveau film de Pixar, raconte les quatre années de travail qui ont mené de l'une à l'autre.

«Je pensais qu'il serait poétique que la chose la plus humaine de l'univers soit ce petit robot auquel j'avais pensé des années plus tôt mais à qui je n'avais pas encore trouvé d'histoire», se souvient Andrew Stanton, vice-président création chez Pixar, rencontré à Toronto en vue de la sortie de WALL-E, qu'il a coscénarisé et réalisé.

Ce petit robot n'a donc ainsi, au départ, été qu'une étincelle dans l'imaginaire de celui qui, à titre d'animateur, de scénariste, de réalisateur ou de producteur, a été des aventures Toy Story, Monsters Inc., Finding Nemo et Ratatouille. Mais dans cette tête-là, les étincelles ne meurent pas. Elles couvent, comme sous la braise. Et un jour, elles prennent forme. Pas à la manière d'une explosion volcanique, le film d'animation étant un processus long. «Quatre ans, c'est vraiment la durée moyenne pour faire un de nos longs métrages», explique Andrew Stanton.

Une première année, dit-il, à écrire et à faire des recherches. Dans le cas de WALL-E, entre autres, dans des centres de recyclage et des dépotoirs. Ah oui, parce que le nouveau héros de Pixar est un minicompacteur de poubelles! Il a été créé pour cela, des centaines années avant que les humains n'abandonnent la Terre, devenue inhabitable. Mais le propriétaire de WALL-E (pour Waste Allocation Load Lifter Earth-Class) a oublié de l'éteindre. Et depuis 700 ans, 700 ans de solitude, le petit robot travaille. Ramasse. Compacte. Empile.

Andrew Stanton a aussi fait des recherches sur la réaction du corps à la vie en apesanteur. Rien de... pesant, juste assez pour ancrer la fiction dans la réalité. Avec, pour résultat, des hommes presque «robotisés», qui ont perdu leur humanité, semblent moins habités que les robots. «C'était volontaire», assure Andrew Stanton. On le croit. Cela permet de rendre plus convaincante encore l'histoire d'amour de WALL-E. «Car après mûre réflexion, je suis arrivé à l'idée que si je parvenais à écrire l'histoire d'un robot qui, en tentant d'aimer et d'être aimé, changeait le destin de l'humanité, ce pourrait être une grande histoire.»

Entre alors en scène EVE (pour Extra-Terrestrial Vegetation Evaluator). Une sonde envoyée sur Terre afin de voir si la vie y est redevenue possible. Coup de foudre du côté de WALL-E. C'est là, pendant la deuxième année de travail (les deux dernières étant consacrées à la fabrication du film comme tel), que le crayon s'est mis à démanger Andrew Stanton. «Nous avons commencé à scénariser le film, mais nous ne savions pas à quoi ressembleraient nos deux héros. Je me suis alors dit que la forme carrée était très masculine et la ronde, féminine.» Bien. Mais il fallait aller plus loin.

Les influences du passé ont alors joué pour WALL-E. Celles du présent et de l'avant-garde, pour EVE.

D'abord, le passé. «J'ai grandi en regardant E.T. et Star Wars, j'ai adoré ces films, je les aime encore et ils m'ont influencé. WALL-E, c'est un peu comme si on avait fait un film avec R2-D2, avec un sentiment à la E.T. pour enrober l'ensemble, même si je n'ai pas pensé directement à eux en écrivant.» Mais il y a en effet du R2-D2 en WALL-E, ne serait-ce que par les émotions qu'il suscite. Et qui viennent en partie de son «regard». Là, le hasard est entré dans le jeu: «Je n'avais décidé que l'allure de sa tête; j'assistais à une partie de baseball quand un copain m'a passé ses jumelles. Je les ai attrapées, les objectifs étaient inclinés... et j'ai pensé qu'elles avaient l'air triste. Un air qui allait parfaitement à mon petit robot solitaire!» Le résultat, mélange d'objets usuels détournés, n'est d'ailleurs pas sans rappeler Luxor Jr., la lampe animée créée par John Lasseter et devenue l'emblème de Pixar.

Puis, le présent et l'avant-garde. «Je me suis demandé ce qui pourrait être attirant pour un robot ancien, abîmé par le passage du temps et le manque d'entretien... et j'ai pensé à quelque chose de high-tech, de lisse, de gracieux, de blanc, et bien sûr, pour la féminité, de rond. Bref, aux produits Apple, qui ont les plus beaux designs encore aujourd'hui.» Ça a donné EVE. Tout en courbes et en rondeurs. Et plus grande que WALL-E. «Ça, c'est parce que je ne pouvais m'enlever de la tête l'image de Woody Allen et Diane Keaton dans Annie Hall», rigole Andrew Stanton, qui multiplie en fait les retours vers le passé dans WALL-E: après tout, le petit robot solitaire est aussi un grand romantique... grâce à la comédie musicale Hello, Dolly! qu'il regarde à répétition sur un magnétoscope.

«Je voulais ouvrir le film en juxtaposant images du futur sur musique du passé. J'avais joué dans cette comédie musicale quand j'étais à l'école secondaire et certaines paroles de chansons collaient exactement à l'esprit de WALL-E: ces deux jeunes gens qui se prennent par la main pour se montrer leur amour, n'était-ce pas le moyen idéal de communication pour deux personnages qui ne peuvent pas parler?»

Parce que le «couple» d'amoureux au coeur de son film est des plus limités côté langage. Ce qui ne signifie pas qu'il manque d'expressivité. Pour cela, il faut remercier Ben Burtt. Celui qui a fait «parler» R2-D2. «Je suis allé le chercher parce qu'il est le seul que je connaisse qui fasse ça et, finalement, il a fait tout le design sonore du film. Nous avons travaillé pendant deux ans là-dessus. Je n'aurais pas pu faire WALL-E sans lui.»

Travail d'équipe, donc. De grosse équipe. C'est ce qu'aime Andrew Stanton dans son métier. La possibilité de toucher à tout. Et de travailler, main dans la main, cerveau avec cerveau, en compagnie de «quelque 200 autres créateurs vraiment inspirants». Deux cents personnes pour 700 ans de solitude. Belle image. Et belles images.

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WALL-E est à l'affiche, en anglais et en français.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Walt Disney Pictures.