En se glissant dans la peau de la mère possessive d'un postier ch'ti, Line Renaud a retrouvé son patois, sa région, son enfance.

On se présente en précisant être du Québec et la voix se fait instantanément souriante au bout du fil. «Ah! J'ai tellement de beaux souvenirs liés à mes passages chez vous! Si je me rappelle bien, mon premier voyage remonte à il y a 50 ans exactement. J'avais chanté à la boîte Chez Gérard à Québec.»

Véritable légende du music-hall français, l'interprète de Ma cabane au Canada, une chanson qu'on lui réclame encore et que les gens chantent spontanément quand ils la voient, se consacre principalement à deux choses depuis plusieurs années. Sur le flanc de la comédie, plusieurs rôles au cinéma, de même que dans des séries télévisées. Sur celui de l'action sociale, la lutte contre le sida, un combat qu'elle mène depuis plus de 20 ans. Line Renaud est d'ailleurs la vice-présidente de l'organisme français Sidaction.

Forcément, Bienvenue chez les Ch'tis tient une place particulière dans le coeur de l'actrice. Parce que cette comédie pleine d'humanité fait honneur aux racines de cette femme du Nord, née à quelques kilomètres d'Armentières, la ville natale de Dany Boon.
«J'y ai retrouvé mon enfance, indique-t-elle. Ma grand-mère ne s'exprimait qu'en patois. Quand elle discutait avec ma mère, il n'y avait alors plus que cette langue qui existait à la maison!»

Évidemment, la jeune femme aux ambitions artistiques a très vite dû apprendre à gommer son accent, dès qu'elle est allée à Paris pour faire carrière.

«Mon pygmalion Loulou Gasté, qui est par la suite devenu mon mari, m'a vite fait comprendre qu'il fallait passer par cette étape-là pour percer. Je ne l'ai jamais vécu comme un drame», raconte celle qui, tout récemment, a célébré son 80e anniversaire de naissance. Pour l'occasion, le journal La Voix du Nord lui a d'ailleurs consacré un cahier spécial

«Je peux retrouver l'accent de mon enfance - et cette langue - très rapidement, ajoute-t-elle. Depuis que je connais Dany, cela fait quand même plusieurs années que nous sommes amis, notre plaisir est le même: dès qu'on se retrouve ensemble à la même table dans un dîner parisien, nous nous mettons à parler ch'ti. Cela fait toujours un bel effet!»

L'actrice affirme par ailleurs avoir été un peu surprise par l'explosion de fierté qui a accompagné la sortie du film. «J'en suis ravie mais je n'aurais jamais pu penser que tout cela prendrait une telle dimension, commente-t-elle. Le Nord est maintenant une région très prisée par les touristes. Et Lille est aujourd'hui une plaque tournante de l'Europe.»

C'est justement à Lille qu'a eu lieu, le 30 mai, une fête publique en l'honneur du film.

«J'ai probablement été plus émue que n'importe qui d'autre car je voyais là 20 000 personnes rassemblées en un endroit qui a tellement compté dans ma vie. J'ai pu m'adresser à la foule du balcon où le général de Gaulle s'était lui-même adressé aux Lillois lors de la Libération en 1945. J'avais 17 ans à l'époque. Tout juste à gauche, il y a l'hôtel Bellevue, à l'emplacement de l'ancienne brasserie Bellevue, l'endroit où j'ai chanté en public pour la toute première fois. Et puis, la foule a entonné Le P'tit quinquin, une chanson populaire que tous les Ch'tis connaissent. Vraiment, des moments comme ceux-là n'ont pas de prix.»

Si elle est parfaitement d'accord avec ceux qui voient en Dany Boon un nouveau Bourvil, Line Renaud y va d'une analogie encore plus évocatrice.

«Dany, c'est le Marcel Pagnol des gens du Nord, affirme-t-elle. C'est quelqu'un que nous aimons profondément.»

Quand on lui fait remarquer que certaines similitudes existent entre les Québécois et les gens du Nord sur le plan de la «différence culturelle», Line Renaud s'en émeut. «Oui, oui, c'est tellement juste. Et nous partageons des valeurs de coeur aussi. S'il vous plaît, transmettez mes sentiments de profonde amitié aux gens de votre pays.»

Voilà, c'est fait.

Univers ch'ti : Un roman

Germinal d'Émile Zola

Ce grand classique de la littérature française a déjà fait l'objet de plusieurs adaptations. La plus récente est celle qu'a réalisée Claude Berri en 1993. Le chanteur Renaud en était la vedette.

Une chanson
Les corons de Pierre Bachelet

Au nord, c'étaient les corons. La terre, c'était le charbon En 1982, Pierre Bachelet enregistre cette chanson évoquant les régions minières du nord de la France. Les Ch'tis en ont pratiquement fait depuis leur hymne national. Boon l'utilise d'ailleurs dans son film.


Un film
Flandres de Bruno Dumont

Quand on lui demande le titre d'un film emblématique de la région (autre que le sien), Dany Boon en cite plusieurs (La vie est un long fleuve tranquille notamment). Il arrête quand même son choix sur le plus récent drame de Bruno Dumont, lequel montre du Nord une image très différente. Il évoque aussi Karnaval, ce film de Thomas Vincent ayant pour cadre le carnaval de Dunkerque, qui a révélé chez nous Sylvie Testud et Clovis Cornillac.


Un disque
Renaud cante el'Nord

Très ému par son séjour dans la région du Nord pour le tournage de Germinal, Renaud a enregistré dans la foulée un disque en ch'timi. La justesse de l'accent qu'emprunte le chanteur a été saluée de façon unanime.

Un proverbe
«Quand un étranger vient din ch'Nord, i brait deux fois: quand i arrive et quand i r'part.»

(Quand un étranger vient dans le Nord, il pleure deux fois: quand il arrive et quand il repart.)