Pendant l'été de 1955, Frédéric Back est arrivé en voiture à Los Angeles avec sa famille. Les Back faisaient un voyage jusqu'au Mexique, et s'étaient arrêtés le temps de visiter Disneyland - qui venait tout juste d'ouvrir - et de rencontrer des illustrateurs des studios de Walt Disney.

«Je leur ai montré mon portfolio, et ils m'ont offert un emploi sur-le-champ, se souvient-il. J'ai refusé. J'étais bien mieux à Radio-Canada.»

Dimanche, Frédéric Back est retourné à Hollywood - par la grande porte, cette fois-ci. The Academy of Motion Picture lance une exposition de ses dessins. Aujourd'hui, M. Back sera l'invité d'honneur d'une soirée consacrée à son oeuvre et animée par John Lasseter, fondateur des studios d'animation Pixar.

La rétrospective a pour but de rendre hommage au travail du dessinateur, qui a toujours suscité beaucoup d'admiration à Hollywood. Durant sa carrière, M. Back a été en nomination pour quatre Oscars. Il a reçu le prix deux fois - pour les films Crac! (1981) et L'homme qui plantait des arbres (1987).

En début de soirée, dimanche, le délégué du Québec à Los Angeles, Denis Turcotte, a parlé de l'importance de M. Back pour le Québec. «C'est notre Walt Disney et notre Al Gore réunis dans une seule personne», a-t-il dit, suscitant des rires dans la salle.

M. Back, âgé de 84 ans, a confié être «très nerveux» de toute l'attention qu'il reçoit à Los Angeles. «C'est chouette d'être ici. Je suis étonné. Cela me surprend toujours de voir à quel point mes films ont touché les gens», a-t-il dit à La Presse.

M. Back a dit que ses premiers films sur l'environnement avaient à l'époque suscité des moqueries. C'était bien avant que le réchauffement climatique ne soit au premier plan de l'actualité, et que les vedettes d'Hollywood ne décident de rouler en voiture hybride.

«Certaines personnes me traitaient d'écolo. Mais les enseignants m'écrivaient pour m'encourager à continuer. Les enfants, aussi, m'écrivaient beaucoup. C'est ce qui me fait le plus plaisir, réussir à rejoindre les enfants à travers mes films. Aujourd'hui, on assiste à l'éveil des consciences. Ça a pris 40 ans.»

Des millions d'arbres ont été plantés de par le monde grâce à L'homme qui plantait des arbres, film qui a touché une corde sensible à la fin des années 80. «Des gens m'ont dit que le film avait changé leur vie, qu'ils ont décidé d'étudier la biologie ou les sciences de l'environnement après l'avoir vu, dit M. Back. J'ai même reçu la lettre d'une personne déprimée qui a renoncé au suicide après avoir vu le film. C'est le genre de choses auxquelles on ne s'attend pas quand on travaille sur un projet, dans son studio.»

Le dessinateur dit avoir été charmé, cet été, par le film d'animation Wall-E, qui met en scène un robot chargé de nettoyer la Terre, trop polluée pour que les humains puissent y vivre.

«J'ai beaucoup aimé Wall-E. J'aime quand l'animation ne sert pas seulement à divertir, mais aussi à faire réfléchir. Quand j'ai vu le film, les enfants dans la salle étaient charmés. C'est très difficile de réussir à capter l'attention des enfants.»

Ces jours-ci, Frédéric Back se rend quotidiennement visiter sa femme, paralysée à la suite d'un AVC, et qui est alitée dans un centre d'accueil de Montréal. «C'est une situation difficile pour elle. Mais d'autres patients sont abandonnés, et ça m'attriste beaucoup. J'amène mon chien, je leur fais un peu de zoothérapie», dit-il.

L'animateur de la soirée, Michael Giacchino, à qui l'on doit notamment la trame sonore du film d'animation Ratatouille, a salué le travail de M. Back.

«L'oeuvre de M. Back reflète non seulement le travail d'un artiste talentueux, mais aussi la passion d'une vie pour le monde naturel et un dévouement aux causes environnementales.»

Normand Roger à l'honneur

Dimanche, c'est aussi la carrière du compositeur québécois Normand Roger qui a été soulignée. M. Roger, qui collabore depuis longtemps avec Frédéric Back, s'est dit surpris de voir que des centaines de personnes s'étaient déplacées pour prendre part à une table ronde traitant de la musique qu'il a composée. «Quand j'ai su que je venais à L.A. en août, je me suis dit: «Personne ne va se présenter pour m'entendre parler», a dit M. Roger devant une salle comble de 150 personnes. Je suis honoré d'être ici avec vous ce soir pour vous parler de ma passion.»

Les films de Frédéric Back

Abracadabra (1970)
Inon ou la conquête du feu (1972)
La création des oiseaux (1972)
¿ Illusion ? (1975)
Taratata (1977)
Tout-rien (1978)
Crac! (1981)
L'homme qui plantait des arbres (1987)
Le fleuve aux grandes eaux (1993)