Même si son étoile a quelque peu pâli au cours des dernières années, Tom Cruise persiste et signe. Concrétisé dans un climat de controverse, Valkyrie fait écho à un épisode moins connu de l'histoire de l'Allemagne nazie, soit l'attentat manqué contre Adolf Hitler en juillet 1944.

À Berlin, tout juste au sud de Tiergarten, se situe Stauffenbergstrasse, une rue menant au Bendlerblock, un édifice qui servait de quartier général au régime nazi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le nom de cette avenue n'est évidemment pas fortuit. Sa situation géographique non plus. C'est en effet là que fut exécuté, le 20 juillet 1944, le colonel Claus Von Stauffenberg, chef de file de la résistance allemande, orchestrateur d'un vaste complot - qui est passé à deux doigts de réussir - visant à assassiner Adolf Hitler.

«Je lisais le scénario et je n'en revenais tout simplement pas! déclarait Tom Cruise la semaine dernière au cours d'une rencontre de presse tenue à New York. Je trouvais cette histoire tellement incroyable que je me suis demandé pourquoi celle-ci restait pratiquement inconnue à l'extérieur des frontières allemandes. Quand on nous enseignait les rudiments de l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale à l'école, on nous présentait les choses de telle sorte qu'on avait juste envie de tuer Hitler. Et on trouvait très étrange que personne n'ait pensé à le faire. Or, c'est faux. Il y a des Allemands qui ont résisté de l'intérieur et qui sont passés à l'acte.»

Au départ de Valkyrie, une simple visite touristique qu'a effectuée le scénariste Christopher McQuarrie (The Usual Suspects) alors qu'il se trouvait dans la capitale allemande pour travailler sur un autre projet. La vue du Bendlerblock, et du monument érigé aujourd'hui en hommage aux résistants, a déclenché chez lui un processus qui l'a mené à effectuer une recherche exhaustive. Ses démarches l'ont notamment incité à lire les ouvrages de Peter Hoffman, éminent professeur à l'Université McGill (et grand spécialiste de la question), embauché ensuite par la production à titre de consultant.

Un autre profil


«Dès que je me suis mis à travailler sur ce projet, explique McQuarrie, j'ai su que cette idée de film serait difficile à «vendre» à un studio. Aussi ai-je conçu le tout en fonction d'une production à petit budget, histoire de pouvoir jouir d'une totale liberté de création. Il y avait là matière à élaborer un formidable film à suspense.»

Le projet n'a pas changé de nature avec l'arrivée de Tom Cruise, mais la présence de la superstar en a modifié le profil à coup sûr. L'annonce n'a d'ailleurs pas fait l'unanimité. «J'ai vécu ce genre de situation très souvent, explique l'acteur. J'ai compris il y a longtemps, surtout depuis l'arrivée de l'internet, que la perception que les gens peuvent avoir d'un film à partir de rumeurs, et la réalité de ce que nous sommes en train de faire, sont deux choses totalement différentes.»

Cette mauvaise «perception» a pourtant eu un certain impact. Au départ, le ministère allemand de la Défense a refusé une autorisation de tournage à la production du film pour des scènes prévues au Bendlerblock. L'adhésion de Cruise à l'Église de scientologie - considérée comme une secte en Allemagne - a alors été évoquée. Diverses voix se sont aussi élevées au sein de la société allemande pour dénoncer la présence de l'acteur, et la récupération hollywoodienne d'un épisode appartenant à l'histoire nationale. À force d'insistance et de persuasion, l'équipe a pu procéder en respectant le plan de travail, aux endroits mêmes où était prévu le tournage.

«Je me rappellerai longtemps le premier jour de tournage au Bendlerblock, relate Thomas Kretschmann, l'un des nombreux acteurs allemands mis à contribution dans ce film tourné en anglais. Tom est allé en avant, devant tous les figurants, et il a fait un petit discours très sobre et très senti pour reconnaître l'importance historique de l'endroit où nous étions. Il a ensuite demandé une minute de silence à la mémoire de tous ces résistants tués, dont nous allions évoquer l'histoire. Ce fut très poignant.»

Du suspense avant tout

Même si la réalité fut modifiée pour fin de dramaturgie, tous les moyens ont été pris afin que le récit de Valkyrie soit le plus crédible possible sur le plan historique, assurent ses artisans. Cela dit, ces derniers insistent aussi pour dire que ce film ayant pour cadre le régime du Troisième Reich emprunte avant tout les allures d'un thriller.

«Avec un sujet semblable, nous aurions facilement pu tomber dans la fresque historique, fait remarquer le réalisateur Bryan Singer (The Usual Suspects, X-Men, Apt Pupil). Il tenait toutefois à recentrer le projet vers son origine: un suspense dont l'intrigue tourne autour de la tentative d'assassinat d'Adolf Hitler.

«Chaque fois que nous nous laissions aller à des thèmes plus larges pendant l'élaboration du projet, Bryan nous ramenait à l'ordre, rappelle Tom Cruise. Il y a évidemment eu de grands films sur la Deuxième Guerre mondiale et sur l'Holocauste. Pensons simplement à Schindler's List. Mais là n'était pas notre propos. Nous voulions avant tout créer un bon thriller à partir d'une histoire véridique, et proposer au public international une vision différente de celle qui leur a été présentée au cinéma depuis 60 ans.»

«Personnellement, poursuit l'acteur, j'ai vécu des émotions très intenses en tournant ce film. J'ai toujours rêvé d'une vie d'aventures - j'ai parfois été servi sur ce plan encore plus que je ne l'aurais imaginé - et je savais que je ne pourrais passer à côté de celle de Valkyrie dès que j'ai lu le scénario. Il y a dans cette histoire d'extraordinaires qualités dramatiques, et je crois qu'il est important qu'elle soit mieux connue.»

Valkyrie prend l'affiche le 25 décembre en version originale et en version française.