Un documentaire sur l'Afghanistan, ça risque peu de vous convaincre d'aller au cinéma. Mais si on vous disait que Le magicien de Kaboul, qui prendra l'affiche vendredi au Clap, est un remède miracle contre le cynisme ambiant?

Le 11 septembre 2001, Haruhiro Shiratori, restaurateur japonais, perd son fils unique dans les attentats contre le World Trade Center de New York. Pour prolonger la mémoire de ce fils, pour que cette mort ait un sens, pour éviter d'autres attentats, le père va vers le peuple afghan et projette de bâtir à Kaboul un parc commémoratif et une école entourée de cerisiers japonais.

Son premier geste pour bâtir des ponts avec le peuple afghan : apprendre la magie. La magie comme une fleur au milieu des bombes, pour faire apparaître des sourires et communiquer avec des gens qui ne parlent pas la même langue. La magie pour faire disparaître la violence comme les foulards de soie?

Le Canadien Philippe Baylaucq a suivi M. Shiratori pendant plus de quatre ans et il a fait deux fois le tour du monde pour réaliser son film, entre le Japon, l'Afghanistan et New York. L'aventure s'est amorcée par hasard, alors que le réalisateur se trouvait à Tokyo pour présenter un autre film en août 2003.

 

«J'ai vu la photo de M. Shiratori à la une d'un journal, et il faisait un appel à tous pour trouver un interprète du japonais au pachtou. Son histoire était extraordinaire, et alors j'ai demandé à le rencontrer», explique le réalisateur. Le magicien de Kaboul est devenu autant l'histoire d'un projetidéaliste que celle d'un homme qui fait un long voyage pour se retrouver lui-même et réparer une relation difficile avec un fils disparu.

Partout où on l'invite, M. Shiratori, dont l'enfance a été assombrie par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, s'en va parler de l'amour perdu à New York, de ce qu'il a vu en Afghanistan, de ses projets pacifistes pour les jeunes de Kaboul. Avec une détermination qui force l'admiration, il récolte des fonds et convainc le plus grand architecte japonais de dessiner son rêve.»

Sur le terrain, toutefois, ça prend du temps pour que les choses changent. Il y a des réalités culturelles, religieuses, géologiques et géographiques avec lesquelles il doit composer. Donc, malgré la détermination de M. Shiratori, c'est difficile d'arrimer le rêve et la réalité du terrain. C'est un vrai défi de trouver un entrepreneur local qui va construire quelque chose qui ne va pas s'écrouler au premier séisme.» Au fond, c'est l'idéalisme qui se heurte au réel. Et dans l'histoire de M. Shiratori, Philippe Baylaucq en voit une autre, plus grande encore.

«Le film est une métaphore de notre implication occidentale en Afghanistan. Le projet, dans tout ce qu'il a d'idéaliste, dans toutes ses bonnes intentions, se bute sur des réalités incontournables. (...) Mais c'est un film qui, pour moi, a son rôle d'idéalisme dans un contexte où il y a beaucoup de cynisme. Il interpelle notre sentiment de désarroi et notre incapacité à agir en proposant la vision d'une entreprise optimiste pour contrer l'immobilisme.»

Dans Le magicien de Kaboul, il y a d'un côté un rêve immense, qui nécessite du temps, de la détermination, du courage et de l'argent. De l'autre, il y a les petits gestes de la magie qui invitent à la paix, à l'émerveillement, à la rencontre. Cette idée, aussi, que chacun peut, à sa manière, devenir un ambassadeur de la paix.