L'accro du shopping imaginée par Sophie Kinsella prend d'assaut le grand écran, la naïveté dans les yeux, les talons hauts aux pieds, la carte de crédit entre les deux - à la main, quoi. Rencontre avec Isla Fisher et P.J. Hogan, qui parlent filles, fric et fringues.

«Je fais rarement les boutiques et quand je les fais, je ne suis pas des plus organisées. Que voulez-vous, je ne change pas de taille - bon, sauf pendant ma grossesse! - et je m'habille de façon assez classique. Mes vêtements ne se démodent pas très vite», avoue Isla Fisher. Un rôle de composition pour elle, alors, que celui de Rebecca Bloomwood, dite Becky, héroïne des romans de Sophie Kinsella dont les deux premiers tomes forment la base du film Confessions of a Shopaholic de P.J. Hogan!

Composition, oui, mais jusqu'à un certain point. «Disons simplement que j'ai déjà eu des problèmes avec mes cartes de crédit», a pouffé la comédienne de 33 ans lors d'une conférence de presse tenue dans un hôtel de Los Angeles pendant laquelle elle a aussi admis avoir pas mal appris de son passage dans la peau... et les vêtements de Becky: «Le plus agréable de cette expédition dans le monde de la mode, pour moi, a été de découvrir comment utiliser la couleur dans ma garde-robe. J'étais plutôt conservatrice dans ma manière de m'habiller. Patricia Field m'a, littéralement, apporté la couleur», fait-elle.

Les couleurs, le mélange des styles et des textures, les brochettes de designers - de Prada à Gucci en passant par Marc Jacobs, Balenciaga, Dior, Miu Miu: l'as costumière de Sex and the City et de The Devil Wears Prada connaît. Mais a quand même pris au pied de la lettre l'accessoire fétiche de Rebecca Bloomwood: l'écharpe verte Denny&George.

Celle que tous les lecteurs des romans de Sophie Kinsella «reconnaîtront», puisqu'elle ouvre le premier tome et donne les vraies couleurs de cette Becky - diffèrente dans le film et les livres (ne serait-ce que parce que Becky, londonienne à l'origine, est maintenant new-yorkaise - voir autre texte). Mais l'esprit du personnage étant respecté, que dire!

Bref, voici Rebecca Bloomwood. Celle qui tire sa carte de crédit plus vite que son ombre a les problèmes de fin de mois que l'on imagine - non, en fait, ils sont pires. Elle est heureusement bien entourée par sa copine Suze (Krysten Ritter) et ses parents (Joan Cusack et John Goodman). Et elle devient journaliste dans une revue... financière dont elle va conseiller les lecteurs (!).

Oui, ça va déraper. Mais ça va également décoller direction septième ciel. Grâce au rédacteur en chef du périodique, Luke Brandon (Hugh Dancy): le film sort la veille de la Saint-Valentin, ce n'est pas un hasard, il y a de l'amour dans cet air délicieusement frivole. Appuyé par une bande sonore à l'avenant - imaginez des titres tels Accessory, Fashion, Blue Jeans, Uncontrollable, Unstoppable et autres Big Spender!

«Le film a été conçu dans une autre période économique», prend toutefois le soin de préciser Isla Fisher, ajoutant que la situation étant ce qu'elle est maintenant, elle se sent «particulièrement fière de la finale du long métrage... qui devrait parler à tous». Et à toutes. Sans tomber dans la leçon de morale - le regard de Becky sur on-ne-dira-pas-quoi, qui précède le générique, vaut, en ce sens-là, mille mots. Et un bon éclat de rire. Un autre. Parce que les situations dans lesquelles se trouve le personnage sont souvent très drôles.

Et qu'Isla Fisher possède un talent certain pour la comédie physique. Pour cause: «J'ai étudié le mime, le clown, la commedia dell'arte et la jonglerie à l'école de Jacques Lecoq, à Paris», raconte celle qui est née à Muscat, à Oman, où son père travaillait pour les Nations unies. La famille, d'origine écossaise, a déménagé en Australie quand la fillette avait 7 ans. Elle y est restée jusqu'en 1997. Année où elle est partie faire les 400 coups - de théâtre, s'entend! - en France.

«Ces cours m'ont enlevé beaucoup de timidité et donné pas mal d'audace», résume celle que l'on connaît aussi comme la conjointe de Sacha Baron Cohen, avec qui elle a eu un enfant, Olive, en 2007. «J'ai mis tout ce que j'ai appris au service de Becky qui, à mon sens, est une bonne fille. Elle est adorable, optimiste, joyeuse, elle a du coeur. Et un petit problème...»

Avec tout ça, on est loin des productions portant habituellement le sceau de Jerry Bruckheimer (National Treasure, Pirates of the Caribbeans). Pas de combats, d'explosions. «Un moment, un moment! a-t-il rectifié en conférence de presse. Il y a quand même un crêpage de chignon au moment de la vente d'échantillons et l'explosion... d'un placard!» Chassez le naturel, il revient au galop - même en talons hauts.

L'esprit de Becky

 P.J. Hogan a eu le coup de foudre pour «l'excentricité, le grand coeur et le caractère lumineux» de Rebecca Bloomwood. Dès la lecture du scénario que le producteur Jerry Bruckheimer lui avait envoyé. Et, par la suite, à celle des romans de Sophie Kinsella. Où il a découvert que Becky était britannique et non américaine... alors que le script la transplantait de Londres à Manhattan.

«Je pense que Jerry y tenait, c'est un producteur américain et il se sentait plus à l'aise d'avoir New York en toile de fond. Mais la nationalité de Becky importe peu. Je me suis identifié à elle, et je ne suis pas une femme. Je ne suis pas shopaholic non plus mais plus jeune, j'ai eu des problèmes d'argent. Pour moi, les cartes de crédit étaient vraiment des cartes magiques qui permettaient aux gens d'acheter ce dont ils rêvaient. Mon épouse s'est aussi identifiée à ce personnage, et elle est australienne. Ces romans ont du succès aux quatre coins du monde parce que les gens s'identifient à ce qu'est Becky, et non à sa nationalité», a affirmé le réalisateur en entrevue à La Presse.

Il s'est par contre senti investi d'un devoir: respecter l'esprit du personnage. Pour cela, entre autres choses, il fallait trouver la bonne actrice. «Une fois ma lecture du scénario terminée, j'ai mis un nom sur la page couverture. Lucille Ball. Je devais trouver quelqu'un avec les mêmes forces, la même aisance dans le comique.» Il l'a trouvé en Isla Fisher. Elle possédait, le réalisateur et le producteur en ont eu l'intuition, ce qu'il fallait pour devenir Becky aux yeux du monde.

«L'avantage, quand on travaille avec une vedette, c'est qu'elle possède une base de fans. Avec quelqu'un de moins connu, c'est un plus gros risque: on ne peut se cacher que c'est angoissant. Mais après une semaine de tournage, je n'étais plus inquiet», assure celui qui a aussi réalisé Muriel's Wedding et My Best Friend's Wedding.

«Je cherche avant tout de bonnes histoires, et j'ignore pourquoi il se trouve que les personnages qui portent ces histoires-là sont des femmes. Même pour Peter Pan qui, à mon sens, est avant tout l'histoire de Wendy.»

Chose certaine, il sait rendre ces personnages-là à l'écran. Ceci peut donc expliquer cela.

Confessions of a Shopaholic (Confessions d'une accro du shopping en version française) prend l'affiche le 13 février.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Walt Disney Pictures