La réalisatrice du Ring tient un blogue depuis le plateau de tournage jordanien d’Incendies, le long métrage de Denis Villeneuve. Elle y raconte ses impressions de la Jordanie et de la voisine Palestine. Anaïs Barbeau-Lavalette réalise également un documentaire sur le tournage du film pour Radio-Canada. Elle a accepté de répondre, par courriel, à nos questions.

Q  Pourquoi un blogue?

R  C’est une idée d’Elaine Hébert, productrice du documentaire que je tourne actuellement. Je suis totalement néophyte, pas du tout branchée habituellement. Mais quand je voyage, j’ai besoin d’écrire. Surtout dans ce type de voyage-là. Je rencontre beaucoup de monde, j’accumule beaucoup d’histoires, beaucoup de morceaux de vie, souvent très durs, et je ne sais pas où tout ça se logerait en moi si je ne le transformais pas en partie en mots. J’envoie toujours des bribes de ces rencontres à ma famille, à mes amis, à mon homme. Avec le blogue, c’est plus large. C’est étrange. C’est comme si je partageais un bout de moi avec le monde entier. Je ne sais pas encore si j’aime ça. Mais je sais que toutes ces histoires-là méritent d’être racontées. Et comme je suis hyper privilégiée de plonger au cœur de la Palestine, puis dans les affres du tournage d’Incendies, je peux bien en partager des bribes.


Q  Que peux-tu nous dire de ce que tu tournes là-bas?


R  Il s’agit d’un documentaire entourant l’expérience du tournage d’Incendies. Je me concentre sur la rencontre (fascinante) entre le Québec et le monde arabe, entre la fiction et la réalité. On se promène du désert aux montagnes, traversant le pays de bord en bord, des limites du Golan à la mer Morte, des camps de réfugiés aux tentes des Bédouins. C’est une équipe incroyable dans un pays incroyable. Denis (Villeneuve) est vivant, allumé, inspirant, près des gens. Et les gens lui rendent mille fois.


Q Comment envisages-tu le documentaire?


R  Incendies se passe dans un pays imaginaire, évoquant la guerre avec un grand «G». Plusieurs des regards sous lesquels les scènes prennent vie ont vu passer une guerre. Qu’on parle des réfugiés irakiens, figurants sur le plateau, des assistants de production libanais ayant fuient la dernière guerre ou des réfugiés palestiniens, majoritaires en Jordanie: ce film-là parle d’eux. Pour eux. C’est à eux que je m’intéresse. Je vais chercher la fibre humaine autour du grand déploiement de la fiction. La mise en abîme. L’histoire dans l’histoire.


Q Tu évoques aussi ton voyage en Palestine pour des recherches sur ton prochain long métrage. Peut-on en savoir plus?


R  Un peu plus. Mon prochain film s’appelle Inch’allah, et il est produit par micro_scope, tout comme Incendies. J’ai habité et étudié en Palestine, où je retourne depuis plusieurs années. Le film s’inspire de ce que j’y ai rencontré. Je dirais que c’est l’histoire d’une grande amitié entre une Québécoise et une Palestinienne. Que c’est aussi une réflexion sur la guerre, et sur la façon dont elle peut s’ancrer en nous.


Q De voir Denis Villeneuve tourner en Jordanie, avec des figurants et des techniciens issus de cultures différentes, t’inspire-t-il pour ton prochain film?


R  C’est sûr. C’est d’ailleurs aussi pour ça que je suis là. C’est une grande école. Je connais bien le terrain. C’est beau d’y voir le cinéma s’y déployer. Le casting, la création des décors (incroyables), des costumes, l’échange entre Denis et André Turpin (le directeur photo), de suivre tout ça de très près me permet d’enraciner dans une certaine réalité le scénario que j’écris. Les thèmes d’Incendies et d’Inch’Allah sont d’ailleurs voisins. Je me sens extrêmement chanceuse d’être là. Tous les jours. Toutes les heures. Au moment où j’écris ces lignes, l’appel à la prière résonne dehors, sur la ville entière. Je fais la mienne... Merci la vie.