Juliette Binoche n'avait jamais tourné de long métrage avec Olivier Assayas, scénariste de l'un de ses premiers films (Rendez-vous d'André Téchiné). Avec L'heure d'été, c'est maintenant chose faite. La célèbre comédienne française, de passage à Montréal l'hiver dernier, raconte le propos du film, une réflexion sur l'héritage et le legs familial.


C'est un poncif de le dire, et tant pis : Juliette Binoche a tourné avec tout ce que la planète compte, ou presque, de grands cinéastes - Godard, Téchiné, Carax, Kieslowski, Haneke, Gitaï, Minghella ou encore Kiarostami. Comédienne accomplie, elle touche aussi à la danse - un duo avec Akram Khan - ou à la peinture - ses portraits In Eyes ont été présentés à la Cinémathèque l'hiver dernier.


En personne, Juliette Binoche est plus grande encore qu'au cinéma. Cet après-midi d'hiver montréalais, elle reçoit dans une suite au sommet du Reine Elizabeth. Sans maquillage, ses cheveux noirs remontés en chignon, elle se plie avec grâce au service après-vente de L'heure d'été, sorti plus tôt en France, et qui sort finalement ici aujourd'hui.


Cette première collaboration avec Olivier Assayas (Les destinées sentimentales) sur un long métrage a été guidée, dit Juliette Binoche, par le sujet même du film. «Je trouvais fascinante l'histoire d'une famille qui se rencontre à un moment donné - la mort de la mère - où des destinées qui étaient unies au départ se séparent», dit Binoche.


L'heure d'été se déploie en deux mouvements. D'abord, la réunion d'une fratrie (Juliette Binoche, Jérémie Renier et Charles Berling) pour l'anniversaire de sa mère. Sentant la mort approcher, la dame s'assure auprès de son fils aîné (Berling), le seul à vivre en France, qu'il vendra ou cédera à un musée les pièces de la collection d'art familiale. Le film retrouve la fratrie après la mort d'Hélène, au moment de «liquider» les souvenirs chéris par la défunte.


«Moi-même, après la mort de ma grand-mère, je me suis occupée de l'héritage. Au cinéma, je voulais voir à la fois ce vide et ce partage des choses, j'avais envie d'être témoin de ça», dit Juliette Binoche. Autre coïncidence : l'un de ses aïeux a cédé lui aussi des toiles de maîtres au musée du Louvre.


Influence asiatique


Dans le film, Juliette Binoche est Adrienne, une jeune femme qui, ayant digéré l'héritage artistique familial, a choisi de créer de nouveaux objets - elle est designer - et de vivre loin de ses racines. «C'est peut-être celle qui est le plus en conflit avec sa mère, mais c'est peut-être aussi celle qui en est la plus proche», croit Binoche.


Avec L'heure d'été, Olivier Assayas, passionné par la Chine, a affirmé dans différentes interviews avoir signé son film le plus asiatique. «J'ai travaillé, quelques mois auparavant, avec un réalisateur qu'Olivier Assayas admire beaucoup, Hou Hsiao-hsien. Il avait envie d'aller lui aussi vers cette façon plus libre d'aborder la vie», dit la comédienne.


Comédienne chevronnée, Juliette Binoche ne cache pas son envie de gagner elle aussi plus de liberté par l'improvisation. «C'est quand même beaucoup plus fort, l'improvisation. On s'approprie le personnage et on le transforme en soi, à travers ses propres mots. Je trouve que cela libère du poids, parfois, d'une hiérarchie qu'il peut y avoir sur les plateaux de tournage : qui est l'auteur, qui n'est pas l'auteur», explique-t-elle.


S'il est question d'héritage dans L'heure d'été, c'est bien la vie que l'on sent dans le propos comme dans la réalisation d'Olivier Assayas - qu'il s'agisse de l'improvisation ponctuelle des acteurs ou encore des jeux incessants des enfants. «Ça nous apprend quoi, finalement? À aimer tous les moments de la vie, même les moments difficiles. C'est ce que le film nous fait voir. On s'attache à un lieu, à un moment de vie. Et puis ça passe», dit joliment Juliette Binoche.


L'heure d'été prend l'affiche aujourd'hui.