Dans Liberté, Tony Gatlif s'intéresse à un chapitre occulté de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale en s'attardant au sort des Tsiganes.

Il y a une quinzaine d'années, Latcho Drom avait contribué à faire connaître la culture des Tsiganes à travers la musique. Liberté, espère Tony Gatlif, remettra dans l'actualité un chapitre occulté de l'histoire de ce peuple qui, depuis toujours, lui nourrit l'âme.

«On ne choisit pas un titre à la légère, faisait remarquer l'auteur cinéaste au cours d'un entretien accordé à La Presse. La vie et la liberté sont les choses les plus fondamentales de l'existence.»

Gatlif s'attarde ainsi à décrire un chapitre sombre de l'histoire de l'occupation allemande en France, alors que la loi interdisait le nomadisme sur tout le territoire. Même s'il s'inspire de faits réels, le réalisateur de Gadjo Dilo n'en garde pas moins le style qui a toujours fait la richesse de son cinéma. Évitant toute trace de misérabilisme, son film rend plutôt hommage à un peuple en quête de dignité. Et de liberté.

L'année 1943, dans la France occupée. Une famille tsigane, venue d'ailleurs, est repérée par le maire et vétérinaire d'un petit village (Marc Lavoine), de même que par une institutrice (Marie-Josée Croze), qui prendront peu à peu fait et cause pour elle. À travers leur regard, de même que celui d'un petit orphelin français qui trouve refuge auprès des bohémiens, l'histoire de cette famille est racontée. Avec ses traits caractéristiques, notamment les superstitions (les fantômes sont partout et ils en ont peur), les méthodes de guérison, la solidarité familiale et, surtout, la musique. Celle qui fait contrepoint à tout, y compris dans un moment très éloquent, alors qu'un chant patriotique à la gloire du maréchal Pétain emprunte subitement des accents manouches...

«Il est important que l'histoire des Roms, dont environ 500 000 furent exterminés par les nazis, soit connue, souligne Tony Gatlif. Parce que les résonances avec l'époque actuelle sont bien réelles. Bien entendu, la discrimination ne s'applique plus de façon aussi radicale. Mais tout cela reste bien fragile. L'intolérance nous guette. Il suffirait d'un chef charismatique pour que tout dérape!»

Fort bien interprété, tant chez les Tsiganes que chez les «autres» (Lavoine et Croze ont de très beaux personnages à défendre), Liberté a le grand mérite de nous rapprocher de l'âme d'un peuple qui, malgré les drames, reste joyeusement libre d'esprit.

«En tout cas, j'espère qu'avec ce film, on parlera des Roms, déclare Tony Gatlif. Si ça peut aider!» Oui, le cinéma sert à cela aussi.

Une question de style

Redland, l'autre film présenté en compétition, hier, se distingue surtout par son style sur le plan visuel.

L'auteur cinéaste américain Asiel Norton, qui signe ici son premier long métrage, propose en effet un récit aux accents très bruts, dont l'aspect sordide est toutefois relayé sobrement, grâce notamment à un sens très précis du cadre et de la mise en scène.

«Je suis très influencé par la culture de l'Europe de l'Est en général et la littérature russe en particulier», confiait le jeune auteur cinéaste hier. Cette influence est indéniable.

Campant son intrigue dans une contrée rurale des années 30, atteinte par les effets dévastateurs de la grande dépression, Norton s'attarde aux malheurs d'une famille vivant isolée dans les montagnes de la Caroline-du-Nord. Une liaison illicite qu'entretient la fille adolescente avec un lointain voisin aura tôt fait d'exacerber les passions.

Les plus bas instincts ressurgissent. Les hommes de la maisonnée partent à la chasse pour ramener à manger. Il y aura drame. Et des relents d'inceste...

Norton suggère plus qu'il ne montre. Sa caméra s'immisce dans le drame de façon furtive, un peu comme si elle espionnait ces gens et qu'elle leur volait quelques images. «Oui, je voulais emprunter la position d'un voyeur», dit-il.

Empruntant un rythme très particulier; adoptant aussi un ton qui pourra laisser certains spectateurs de glace, le jeune cinéaste s'impose néanmoins sur le plan de la composition des images.

Le style compense ainsi pour l'aspect plus classique de sa narration.

Par ailleurs, j'ai malencontreusement rebaptisé Jean-Philippe Pearson en le prénommant Jean-François dans la critique de 1981 publiée hier. Mes excuses.

Korkoro (Liberté), de Tony Gatlif.

Aujourd'hui 14h au Cinéma Impérial.

Redland, d'Asiel Norton.

Aujourd'hui 16h30 au Cinéma Impérial.

Marc-André Lussier commentera les films de la compétition mondiale demain sur cyberpresse.ca