Quarante ans après le film de Michel Brault sur la langue acadienne, Éloge du chiac, la réalisatrice Marie Cadieux retourne voir les participants au documentaire et trace un portrait moderne de l'Acadie.

Q Vous êtes la soeur de deux des participants au film de Brault. Est-ce que ce film vous tenait à coeur depuis longtemps?

R Je l'avais vu au Festival de Cannes avec ma famille puisqu'on résidait en Provence à l'époque. Ça nous interpellait. C'est resté en nous. Beaucoup plus tard, j'y ai repensé. J'ai travaillé pendant 20 ans en Ontario, mais quand je suis rentrée en Acadie, en 2006, je me suis dit qu'il fallait absolument revisiter le débat sur le chiac. Le processus a été long parce que tout le monde veut dire son mot sur la langue!

Q Le point central de votre film est Acadieman, un personnage de bédé et de dessin animé, imaginé par Dano Leblanc. Pourquoi?

R Ça s'est imposé. Je savais que ça plaisait aux jeunes, c'est un personnage un peu dégrossi comme dans South Park. En connaissant Dano, je me suis aperçue qu'il était très attaché au cinéma, à la langue française et à la musique. C'est devenu un excellent fil conducteur pour rassembler tous les éléments dont je voulais parler. Lui et les sept personnes qui étaient dans le film de Brault sont devenus des porte-parole du chiac.

Q Votre constat n'est-il pas que la situation de la langue et de la culture acadiennes est encore plus complexe qu'il y a 40 ans?

R Il n'y a pas que du blanc et du noir. Un professeur dans le film dit que nous sommes en état d'assimilation. Je ne le crois pas du tout. Quand j'étais enfant à Moncton, on rasait les murs. Le drapeau acadien flotte maintenant à longueur d'année partout. Le maire parle à peine français, mais la moitié des conseillers municipaux sont francophones et très engagés.

Q Par contre, le chiac semble de plus en plus envahi par l'anglais?

R La langue, les langues sont en constante évolution. Nous sommes en marche en Acadie. Le chiac est envahi par l'anglais, mais ce n'en est pas. Les usagers en sont très conscients. La structure de la langue française est respectée en chiac.

Q Il y a un drame très touchant, dans votre film, celui du plus revendicateur des jeunes dans le film de Brault, qui semble avoir renoncé à la lutte et dont la fille ne parle pas français.

R Elle parle français plus que chiac, mais pas assez selon elle. C'est effectivement un drame personnel. Parfois, le combat est trop lourd à porter pour un seul individu. Comme parent, on ne souhaite pas que nos enfants passent par les mêmes problèmes qu'on a connus. Mais cet homme a combattu autant qu'il a pu.

Éloge du chiac part 2 est présenté dans le cadre du FFM au cinéma de l'ONF les 3 et 4 septembre prochains.