Avec un enfant et un singe comme partenaires de jeu, Pierre Lebeau est entré dans Un cargo pour l'Afrique comme dans une grande
aventure.


«Le singe n'était pas toujours le partenaire idéal», se souvient le comédien, qui a dû s'adapter aux caprices d'un petit animal assez récalcitrant pour forcer la réécriture de quelques scènes.

Dans le film de Roger Cantin (Mathusalem, L'assassin jouait du trombone), qui prendra l'affiche à Québec le 18 septembre, Lebeau incarne Norbert, un travailleur humanitaire qui a passé 20 ans en Afrique et qui en a été évacué d'urgence à cause d'une guerre civile. Au Canada, le pays qu'il a quitté parce qu'on l'accusait d'un crime, il ne se sent pas chez lui et il est prêt à tout, même à devenir un passager clandestin, pour retourner en Afrique. Avant de partir, il doit se départir de son fidèle compagnon, le singe Trotsky. Mais Christophe, une petite peste du voisinage, lui ramène le singe abandonné et lui colle aux talons. D'abord conflictuelle, la relation de l'homme et l'enfant devient complice. Et c'est elle qui permet à l'un et à l'autre de surmonter un épisode de vie éprouvant.

Exorcisme

«Le scénario m'a plu immédiatement», raconte Pierre Lebeau, de passage à Québec plus tôt cette semaine.» La thématique sur l'acceptation de la mort me plaisait. Mon personnage doit accepter sa mort imminente et l'enfant, celle de sa mère. Les deux tentent d'exorciser quelque chose, un chagrin et un passé douteux.»

Pour la première fois de sa carrière, Lebeau donne la réplique à un enfant et il admet avoir été très exigeant envers le jeune Julien Adam (Providence, Fan Club), âgé de 12 ans au moment du tournage.

«Je dois dire toutefois qu'il était toujours bien préparé et il a amené beaucoup de choses de lui-même. Il a beaucoup d'aptitudes pour continuer.»

Peu avant le tournage, le garçon a perdu sa grand-mère et le deuil a nourri son jeu. «C'était spécial... Mais c'était un rôle, ce n'est pas la vraie vie. Même si le film m'a appris des choses sur la vie», réfléchit Julien Adam, dont le réalisateur Roger Cantin vante le talent rare.

«Ce qui nous a séduits chez lui, c'est qu'il joue de l'intérieur. Peu d'enfants y arrivent. C'est rare. Généralement, ils sont eux-mêmes; lui, il joue un rôle.»

Grande liberté

Cantin, dont le scénario a été inspiré par les témoignages de travailleurs humanitaires, a tourné son film avec une caméra numérique en haute définition. Cela lui a permis de travailler avec une équipe réduite et même de faire le montage avec un ordinateur. «Ça a permis une grande liberté et ça a permis de se con-centrer sur l'essentiel : les comédiens et le jeu», dit-il.

Le tournage en HD a aussi permis de créer de toutes pièces un paysage d'une grande beauté en juxtaposant un cimetière de Montréal à un panorama du Bic, traversé par la chute Montmorency! Le résultat est saisissant, le trucage, invisible.

Ce tournage léger aura aussi permis de faire le film tout court. Car il aura fallu beaucoup de détermination au producteur Rock Demers pour trouver le financement de ce film, refusé trois fois par la SODEC et Téléfilm Canada.

«Ça a été très difficile, mais j'y tenais tellement à ce projet! J'ai été ému juste sur les 30 premières pages du scénario, alors je me suis battu!»

Déjà Un cargo pour l'Afrique est promis à un long voyage : après avoir reçu le prix du film canadien le plus populaire au Festival des films du monde de Montréal, il a son passeport pour d'autres festivals à Vancouver, à Amsterdam, à Berlin et à Namur. Parfois le film est sélectionné dans la catégorie Adultes, parfois la catégorie Jeunes publics.

«Dans les contes pour tous [La guerre des tuques, Bach et Bottine], les enfants emmenaient leurs parents au cinéma et les parents y trouvaient leur compte. Là, les parents emmèneront leurs enfants et les enfants y trouveront aussi leur compte», estime Rock Demers.