Emmanuel Mouret débarque à Montréal avec sa nouvelle comédie sentimentale aux accents burlesques, Fais-moi plaisir, choisie pour ouvrir ce soir le 15e Festival de films en langue française Cinémania.

Il aime Keaton, Tati et Allen et éprouve une vraie tendresse pour les maladroits amoureux. Il veut rendre les actrices belles et attachantes. Avec des films comme Changement d'adresse et Un baiser s'il vous plaît, Emmanuel Mouret a fait sa marque dans le cinéma français en affichant une élégance du coeur habituellement liée à une autre époque. Avec Fais-moi plaisir, son nouveau film, l'auteur cinéaste a poussé plus loin sa démarche en élaborant une comédie sentimentale aux accents burlesques lui rappelant le cinéma qu'il aimait alors qu'il était tout jeune cinéphile.

«J'avais envie d'une récréation, expliquait hier l'interprète du héros romantique transi lors d'une entrevue à La Presse, accordée à peine quelques heures après son arrivée en nos terres. J'ai eu envie de composer une histoire sous la forme d'une fable qui encadrerait à la fois la comédie de dialogues et la comédie burlesque.»

L'auteur cinéaste prête ainsi ses traits à un personnage un peu décalé, coincé dans les profondes contradictions du désir et du coeur. Encouragé par son amoureuse (Frédérique Bel) à vivre l'aventure extraconjugale qu'il fantasme depuis la rencontre fortuite avec une inconnue (Judith Godrèche), histoire de sauver le couple, cet homme est entraîné dans une histoire où tous les protagonistes se font prendre à leur propre piège.

«Quand j'écris un scénario, je pense d'abord au dénouement de l'histoire pour ensuite élaborer son cheminement, fait remarquer Emmanuel Mouret. De la même manière que la tour Eiffel repose sur ses bases, un film repose sur sa fin!»

Les films d'Emmanuel Mouret ne sont pas réalistes. Du moins, pas dans leur forme. Dans Fais-moi plaisir, la belle inconnue est, en fait, la fille du président de la République (qu'interprète avec prestance Jacques Weber). En campant l'histoire dans un cadre aussi improbable, l'auteur évoque le grand émoi de celui qui s'apprête à vivre une aventure pour une toute première fois.

«Le cadre n'est pas réaliste, fait remarquer Mouret. En revanche, les impressions que ressent intérieurement le personnage sont bien réelles. Pour évoquer l'énormité de la situation, j'ai choisi un cadre tout aussi énorme!»

Comme les héros de ses films, l'auteur cinéaste est subjugué par le charme féminin. Toute son oeuvre y fait écho.

«Dans mes films, les personnages féminins doivent faire rêver, charmer, faire sourire, être réussis. Après, les autres..., laisse-t-il tomber en s'arrêtant tout juste au bord du «bof».

«Enfin, je ne veux pas dire que je ne soigne pas autant les personnages masculins, mais je suis fasciné par le fait que des types gauches et mal dans leur peau parviennent à capter le regard d'une jolie femme. Je ne me l'explique pas. À cet égard, le cinéma lance un beau message depuis longtemps. Vous pouvez être qui vous êtes, et séduire quand même! Vous pouvez même être attachant avec vos outrances ou vos maladresses. C'est une grande chance!»

Une chose est certaine, les films d'Emmanuel Mouret se situent à contre-courant de l'air du temps, particulièrement dans le domaine de la comédie. Alors qu'on rivalise désormais d'ingéniosité pour repousser l'humour dans ses derniers retranchements, l'auteur cinéaste oppose des dialogues élégants, un érotisme subtil, une façon d'aborder la question amoureuse qui passe à la fois par le corps et l'esprit.

«Je veux faire rire. Mais pas à n'importe quel prix. Bien entendu, ce film est d'abord conçu comme une comédie, mais j'ose espérer qu'il n'est pas un divertissement vain. Je crois que cette histoire peut nourrir une réflexion.»

L'exception française

Ouvrant ce soir au Cinéma Impérial le 15e Festival Cinémania, consacré au cinéma en langue française, Fais-moi plaisir pourrait constituer le parfait exemple de «l'exception française». Dans la mesure où un film de cette nature, avec le ton qu'il emprunte, serait plus difficilement envisageable ailleurs.

«C'est curieux car en France, on me dit que mes films ne ressemblent à rien d'autre dans le cinéma français, fait valoir Mouret. Personnellement, il me manque le recul nécessaire pour bien cerner cette perspective. De l'étranger, j'imagine qu'on peut d'autant mieux reconnaître cette spécificité française.»

Emmanuel Mouret espère par ailleurs tourner le printemps prochain un film intitulé L'art d'aimer.

«Ce sera un nouveau pari, même si le film s'annonce cocasse, annonce-t-il. Je compte y croiser plusieurs des actrices ayant déjà joué dans mes films. Je n'en dis pas plus pour l'instant!»

Parions qu'elles y seront toutes belles et attachantes...

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Fais-moi plaisir ouvre ce soir le Festival Cinémania et sera présenté de nouveau demain à 21 h 30 au Cinéma Impérial. Il prend l'affiche en salle le 20 novembre.