Romaine semble réaliser un fantasme partagé par bien des Français : tout plaquer pour le Québec. Sauf que ce rêve n’est pas vraiment le sien, mais celui de son copain, qui, après un malentendu, plaque la jeune femme dès la sortie de l’avion. Et voilà comment Romaine se retrouve à devoir survivre par moins 30 degrés.

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Alors que les plateaux québécois évitent soigneusement l’hiver pour tourner, Agnès Obadia a, au contraire, complètement intégré la neige au scénario de Romaine par moins 30. Il faut dire que la réalisatrice française garde un souvenir fort de son premier voyage à Montréal, en pleine tempête de verglas.

«C’était exceptionnel. Je présentais mon premier film (le court métrage Romaine), on était en appartement, mais j’ai vu la ville dans le noir, j’ai vu aussi tout un bordel, et surtout, une certaine solidarité entre les gens», explique la réalisatrice.

Les allers-retours entre la France et le Québec ont marqué la vie d’Agnès Obadia. C’est donc tout naturellement que son premier long métrage met en scène son personnage fétiche – la maladroite Romaine, vue dans ses trois premiers courts métrages – dans le décor du Québec en hiver.

«La neige fait partie de l’état dans lequel se trouve le personnage, une introspection, l’impression aussi d’être toujours sur le fil. La neige représente aussi l’état de silence dans lequel elle se trouve, mais qui implique aussi le mouvement: la neige est un personnage du film», poursuit-elle.

On rencontre Romaine, jouée par Sandrine Kiberlain, au moment où son copain (Pascal Elbé) l’embarque, par surprise, dans un vol Paris-Montréal. Croyant à tort que l’avion va s’écraser, Romaine décide d’avouer à Justin ce qu’elle lui a toujours caché.

L’avion ne s’écrase pas et le crash a plutôt lieu entre Romaine et Justin, qui décide de faire route seul. Les aventures de Romaine peuvent commencer et la mèneront à faire un vrai-faux mariage avec un doux rêveur inquiétant (Pierre-Luc Brillant) et à passer quelque temps en colocation avec des trentenaires peu conventionnels (Maxim Roy et Louis Morisette).

Comme Romaine, Agnès Obadia a été frappée par la popularité de la colocation à Montréal, mais les similarités s’arrêtent là. «Tout le reste est imaginaire : je n’ai jamais eu de mec qui me faisait tout le temps des surprises. C’est aussi ce qui m’amuse dans le burlesque», dit-elle.

France-Québec

Pour le public encore échaudé par les récentes et navrantes tentatives de jouer sur les différences France-Québec (Le bonheur de Pierre), Romaine par moins 30 ne se prête pas au jeux d’accents et d’expressions. «Je n’avais pas envie de faire du folklore, je ne voulais surtout pas faire un truc gros», dit la cinéaste.

Le scénario, coécrit avec Louis Bélanger, se contente de peindre des personnages, français ou québécois, habités par une certaine folie. «On a les mêmes problématiques chez nous, justifie Agnès Obadia. Je ne voulais pas être dans le cliché du Québec, et ma peur première, c’était la réaction des Québécois. Moi, je suis dans un univers fantaisiste et décalé.»

Le sentiment est partagé par Pierre-Luc Brillant, avec qui Romaine partagera littéralement un bout de chemin. «Tout le monde est à côté de la plaque, les Français comme les Québécois : tout le monde est déjanté, raconte Pierre-Luc Brillant. Mon personnage est plutôt coloré, et on ne sait pas à la fin si c’est un fou furieux ou un psychopathe : je trouve ça intéressant que tout ne soit pas cuit dans le bec du spectateur.»

De son côté, le prolifique Louis Morissette estime que la comédie est bien suggérée. «Je trouve ça intéressant d’être confronté à ça : au Québec, pour l’humour, on met le moins de mots possible alors que l’humour français est très verbeux : on retrouve ça dans le film qui décortique les états d’âme», soutient-il.

Avec Romaine par moins 30, Agnès Obadia estime avoir signé une comédie qui n’est pas exempte d’une certaine nostalgie. «Je pense qu’il y aura toujours, dans mes films, de la comédie, de l’allégresse et de la mélancolie. Ce que j’aime, dans les personnages de comédie, c’est quand ils ont de la profondeur. C’est mon point de vue, et je ne saurais pas faire autre chose.»