Quand Tim Burton a décidé de se laisser tomber dans le terrier du lapin et d’aller visiter le pays des merveilles d’Alice, il était évident qu’il observerait les lieux à travers ses lunettes, tracerait son propre itinéraire et s’éloignerait d’autant du monde de Lewis Carroll, jouant à la fois la carte de la fidélité et celle de la créativité.

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«Je viens de Burbanks.» Quand Tim Burton dit cela, quiconque a lu sur lui ou connaît son parcours sait le sentiment d’aliénation qu’il a ressenti là, dans cette ville aussi près en distance d’Hollywood qu’elle en est loin en esprit. Avant de s’en échapper physiquement, Tim Burton s’en échappera dans sa tête. Un peu comme Alice glisse dans le pays des merveilles.

Wonderland, comprendra-t-elle lors de son premier passage, alors qu’elle est âgée de 7 ans. Douze années plus tard, elle découvrira que le monde auquel on accède en tombant dans le terrier du lapin blanc s’appelle en fait Underland.

Douze ans plus tard? Underland et non plus Wonderland? Oui. Ainsi en a décidé Tim Burton, avec la complicité de la scénariste Linda Woolverton. Dans l’Alice au pays des merveilles du réalisateur de Edward Scissorhands et de Big Fish, librement inspiré d’Alice in Wonderland et de Through the Looking Glass de Lewis Carroll, la fillette est devenue une jeune femme et se voit imposer un fiancé. Elle cédera au désir de s’échapper, une fois de plus. Reverra le lapin blanc, le Chapelier fou, la Reine rouge et la Reine blanche, le valet de cœur, etc. Tous se souviennent d’elle et l’attendent, avec espoir ou crainte. Mais elle, n’a aucun souvenir d’eux.


Tim Burton n’a eu aucun problème à se détourner du classique de Lewis Carroll, qu’il n’a pas chéri enfant. Le livre, comme bien d’autres choses, n’est jamais arrivé jusqu’à lui. Burbanks, toujours. «J’ai découvert Alice et son histoire à travers des chansons, des illustrations, des films», racontait-il lors de conférences de presse la semaine dernière à Hollywood. Bref, à travers différentes interprétations de l’œuvre. «Et parmi ces interprétations, je n’ai pas vu la version définitive de cette histoire, je n’en ai trouvé aucune à laquelle j’adhérais complètement. Je n’ai donc pas senti, en m’attelant au projet, que j’aurais à me battre contre quelque chose.»

D’où son sentiment de liberté. Qu’il n’a jamais entravé par la technique - même si, sur le plateau et après, nombre de technologies ont été utilisées. L’écran vert était omniprésent. Des personnages sont le fruit de l’image de synthèse. Des caméras particulières ont été utilisées pour créer certains effets. Et le film est en 3-D. «Cet univers psychédélique mérite le traitement en trois dimensions», affirme le réalisateur... qui a toutefois tourné en 2-D pour ensuite convertir le film en 3-D. «Ça ne sert à rien de filmer en 3-D quand il n’y a rien à filmer», pouffe-t-il. Une bonne partie du produit final a, en effet, été fait en postproduction.

«Mais tout ça, ce sont des outils. Et j’essaie de ne pas me laisser distraire par eux», insiste-t-il. L’important, pour lui, demeurent l’histoire et l’humain. Et qui dit «humain», dans son cas, dit souvent Johnny Depp. Une septième collaboration. Une nouvelle exploration de la psyché d’un individu marginal. Que l’on pense à Edward Scissorhands, à Willy Wonka, à Sweeney Todd. Et maintenant, au Chapelier fou.

«L’important, pour moi, c’est d’arriver avec une composition de personnage qui va surprendre Tim, le stimuler, l’inspirer», explique l’acteur qui, ici, affiche un teint blafard, des cernes profondes, une chevelure carotte, des doigts tachés, un regard... qu’en dire, de ce regard sinon qu’il risque de devenir «officiellement» celui du Chapelier fou?

Et quand vient le temps, pour l’acteur, de montrer au réalisateur le fruit de son travail, la crainte côtoie le désir: «Ma grande crainte, c’est de le décevoir. Mon grand désir, c’est de ne pas lui faire honte», résume Johnny Depp, qui n’a pas travaillé du chapeau pour rien: «C’est simple, je ne pouvais même pas le regarder, sur le plateau! rigole Tim Burton. Il avait l’air d’un clown. Un clown imprévisible et inquiétant.» Ceci sous-entendant bien sûr que ces clowns-là sont les meilleurs. En tout cas, dans l’univers que Tim Burton se construit, loin, bien loin de Burbanks.

Alice in Wonderland (Alice au pays des merveilles) prend l’affiche le 5 mars.

Les frais de voyage ont été payés par Walt Disney Pictures