On retrouve Alexandre Franchi au café, posant avec un crâne d'animal sous le bras. Élément tragique du film, le crâne est en fait un faux que le réalisateur s'amuse encore à porter, avec une cape, pour tester la réaction des passants d'Outremont le soir de l'Halloween. L'effet est saisissant, et pour cause: «Tout notre budget de décor est passé là-dedans», s'amuse le réalisateur de The Wild Hunt. 

The Wild Hunt est l'épopée tragicomique de Bjorn Magnusson (Mark Krupa), un homme qui se réfugie dans le monde d'un jeu de rôles médiéval et grandeur nature (Donjons et Dragons). Lorsque sa bulle éclate, il doit se frotter à la réalité... et plus encore.

«C'est quelque chose qui m'a frappé, pour moi qui me suis beaucoup aussi réfugié dans le jeu», admet Alexandre Franchi. Comme les personnages de son film, le jeune réalisateur peut raconter des choses graves d'un ton presque badin versant dans le pince-sans-rire.

Alexandre Franchi, ainsi, ne cache pas sa pratique du jeu Donjons et Dragons sur table, ce qui, dans la communauté de joueurs, fait semble-t-il toute la différence avec sa version grandeur nature. Quand on lui demande s'il joue encore, Alexandre Franchi opine: «Oui, mais mon personnage est mort et, en plus, je dois m'occuper de la distribution de mon film.»

The Wild Hunt est sans doute l'un des films québécois qui ressemblent le moins aux autres films québécois. Le monde médiéval est une porte d'entrée vers un monde d'angoisse et de violence, le tout en anglais, avec des personnages pseudo-vikings. «Et encore, c'est sage comme film, la structure narrative est conventionnelle, mais oui, c'est crackpot», dit Alexandre Franchi.

À l'origine du film, le scénario de Mark Krupa d'abord imaginé pour une série télé. «Il m'est arrivé avec une histoire basée sur des druides avec des drogues psychotroniques», se souvient Alexandre Franchi. Finalement, l'intrigue se simplifie, le scénario se transforme en film, qui bénéficie du soutien de Téléfilm Canada.

Produit par Karen Murphy et Alexandre Franchi, The Wild Hunt n'a pas privilégié un décor intimiste, malgré le budget relativement mince du film (environ 500 000$, crédits d'impôt compris). La production s'est associée avec une coopérative médiévale (Bicolline, de Shawinigan) et a donc pu tourner au milieu des joueurs.

«On y est allés avec un équipement en costume, on a fait signer 1500 décharges et, bien sûr, on n'avait pas le droit d'interrompre des jeux. Certaines scènes sont live et sont donc du genre documentaire», explique Alexandre Franchi. Les scènes moins épiques ont quant à elles été tournées avec «seulement» une soixantaine de figurants, une fois le jeu fermé pour l'hiver.

Effet mitigé

The Wild Hunt a donc bénéficié de l'attention des joueurs, mais a eu un effet plutôt mitigé parmi les communautés américaines. «Les gens qui ont participé au film trippent, les autres flippent, car ils ont peur que cela renforce les stéréotypes», dit-il.

Récompensé au festival Slamdance - l'autre festival de cinéma indépendant de la ville hôtesse de Sundance, Park City, aux États-Unis - The Wild Hunt a alimenté la discussion sur le web entre maniaques de l'internet et joueurs, qui, pour certains, estiment que le film ne redore pas vraiment leur blason.

Le film, qui a aussi remporté le prix du meilleur premier long métrage canadien au Festival international du film de Toronto en 2009, sortira dans trois villes américaines et a déjà donné une certaine visibilité au réalisateur, pressenti pour réaliser des thrillers. «D'un point de vue personnel, cela m'a donné confiance pour faire des trucs un peu déjantés», admet-il.

Alexandre Franchi écrit en ce moment son prochain film, Happy Face. «C'est l'histoire de défigurés qui s'insurgent contre la beauté et décident de remettre les canons de beauté à zéro: ce sera tragique et drôle à la fois. Dans un premier film, il y a un côté stimulant: on veut développer sa voix», explique-t-il.

Et sa voix, quelle est-elle? «J'aime les trucs tragiques, mélangés à l'humour; j'aime les trucs anciens, comme la musique classique; j'aime la violence, mais la violence psychologique et pas forcément les grosses explosions. J'aimerais aussi avoir une connotation sociale plus engagée», répond Franchi.