Dans la tradition des feel good movies, Le journal d’Aurélie Laflamme est destiné d’abord aux lectrices de 9 à 15 ans, mais aussi à leurs parents et à tous ceux qui se souviennent de cette période de l’existence où tout est vécu avec beaucoup d’intensité.


Hé yo toi le jeune, tu te sens comme un extraterrestre?


Deux animateurs déguisés en ados sautillent sur la scène de l’auditorium sur un rap maladroit visant à faire connaître un service d’écoute téléphonique. Aurélie et son amie se regardent, horrifiées.


Cela ne les empêchera pas d’appeler plus tard la ligne «On t’écoute », et d’y trouver malgré elles quelques enseignements.


Ce clin d’oeil, parodie d’une certaine façon de s’adresser au jeune public, l’auteure India Desjardins et le réalisateur Christian Laurence l’ont placé à dessein dans le film tiré du premier tome de la série Le journal d’Aurélie Laflamme, en salle le 23 avril. Car le grand défi d’un film comme celui-là, c’est aussi de trouver le ton juste.


Or, India Desjardins sait s’adresser à ses jeunes lectrices, comme en témoigne les quelque 480 000 copies d’Aurélie Laflamme vendues depuis 2006. «On a une complicité que je n’arrive pas à expliquer, dit-elle. Je n’ai pas abaissé ou rehaussé le niveau de langage. Je suis restée moi-même, comme j’aime parler et écrire. »


«India est capable de parler aux jeunes de façon sincère, authentique, estime le réalisateur Christian Laurence. Elle est encore une ado, et moi aussi d’ailleurs. Ça aide! »


L’auteure a cosigné le scénario avec le jeune réalisateur, qu’elle a elle-même choisi. Elle avait adoré les courts métrages du fondateur du mouvement Kino, ses capsules à Vrak.tv, dont il a revampé l’image, sa façon «de diriger les jeunes comédiens comme s’il avait caché une caméra dans une chambre d’ado », sans les caricaturer.


Restait ensuite à transposer l’univers d’Aurélie au grand écran sans trahir les lectrices, une grande préoccupation pour India Desjardins. Et aussi à trouver LA jeune fille capable de l’incarner. Après des auditions publiques auxquelles ont participé quelque 1300 adolescentes, le choix s’est arrêté sur Marianne Verville, fille de Pierre, l’humoriste.

Christian Laurence a proposé de nouvelles scènes parfois burlesques ou fantaisistes. India Desjardins les a fait siennes tout en préservant la psychologie des personnages. Résultat? Un film qui colle de très près au roman par ses dialogues tout en illustrant le monde imaginaire de l’héroïne.

Ici, le coeur d’Aurélie, qu’elle n’arrive pas à contrôler, bondit littéralement dans la nature. Le poème sur les fourmis qu’elle rédige pour son cours de français s’anime et envahit l’écran.


Au début de l’histoire, Aurélie (Marianne Verville) a 14 ans, se sent à part, comme une extraterrestre. Maladroite, sensible, un peu rebelle, elle fréquente une école de filles, vit difficilement le deuil de son père, mort cinq ans auparavant. Elle a des relations tendues avec sa mère (Edith Cochrane), une maniaque du ménage qui retrouve tout juste le désir de séduire après des années de veuvage.
Comble de malheur, Aurélie vient de se chicaner avec sa meilleure amie, Kat (Geneviève Chartrand), laquelle rencontrera bientôt son premier amour, «Truch» (Jérémie Essiambre).

En comparaison, «Aurélie est encore accrochée à son enfance à cause du grand drame qu’elle a vécu, explique India Desjardins. Elle a toutes ces émotions qui arrivent et ne veut pas les laisser vivre.» Arrivera-t-elle à se laisser approcher par le beau Nicolas (Aliocha Schneider)?


La quête du bonheur
Les médias abordent souvent l’adolescence par des problèmes graves, comme le suicide ou la toxicomanie, et dans une perspective d’adultes, avance Christian Laurence. Aurélie Laflamme, elle, a des problèmes ordinaires.


«On a voulu faire un film à la première personne, à travers les yeux d’Aurélie », dit-il.


Un bon feel good movie pas nunuche, c’est possible. Christian Laurence veut en faire la démonstration dans son premier long métrage.

«Si, à la fin, les adolescents se sentent moins seuls dans l’univers et que leurs parents ont envie de les serrer fort dans leurs bras, eh bien on aura réussi quelque chose.»


À la suggestion de Christian Laurence, India Desjardins a accepté un petit rôle et s’est transformée en Shiva, la déesse qui conduit Aurélie vers le monde imaginaire. Un côté symbolique qui ne lui déplaît pas, contrairement au lourd chapeau de déesse hindoue qui lui a laissé le front marqué pendant deux jours!


Une suite?
Cela dépendra de la réaction du public mais aussi beaucoup d’India Desjardins, selon le producteur Claude Veillet (Films Vision 4). Avant d’entreprendre un autre projet de film, l’auteure explique qu’elle veut d’abord mettre un point final a la série.

Lors du tournage, l’automne dernier, elle écrivait en parallèle le tome 7, ce qui représentait beaucoup trop de travail, dit-elle. Elle a finalement mis l’écriture du roman de côté, pour se consacrer au film. Si un second film voit le jour, elle sait déjà que ce sera un mélange des tomes 7 et 8, alors qu’Aurélie est en cinquième secondaire. Mais il faudra faire vite: les comédiens adolescents vieillissent à vue d’oeil!

Marianne Verville, l’Aurélie du film
Celle qu’India Desjardins décrit comme sa petite «soeur cosmique », la jeune comédienne Marianne Verville, venait à peine de se voir sur grand écran lorsque nous l’avons rencontrée, en début de semaine.

«L’écran était trop gros! Je n’étais pas capable. On voit tous ses défauts! »
Comme le reste de l’équipe, elle avait déjà vu une première version, sans musique, et sur un écran beaucoup plus petit. Beaucoup mieux!
À un moment, avant le tournage, elle a eu peur de décevoir, de ne pas correspondre physiquement à l’image que les lecteurs s’étaient faite du personnage. Non, elle n’a pas les yeux verts ou les cheveux très longs comme sur la couverture des livres. Mais il n’a pas été question de lui faire porter des lentilles ou des rallonges, explique-t-elle. «Le réalisateur m’a dit “on te veut toi, au naturel. C’est comme ça qu’on t’a aimé, avec l’énergie que tu dégages ”. »

C’est donc elle, l’Aurélie du film, comme le dit India Desjardins, celle qu’elle a reconnue aussitôt et qui a fait battre son coeur.


Encore aujourd’hui, Marianne ne réalise pas complètement tout ce que cela représente d’incarner un tel personnage. «Je ne veux pas non plus avoir la tête enflée. Je suis une personne normale qui a vécu une expérience anormale... »


Chose certaine, Marianne Verville, tout comme Geneviève Chartrand, qui incarne son amie Kat, a maintenant la piqûre pour le jeu. Son souvenir de tournage le plus fort? Le départ de Geneviève, après 14 jours de grande intensité. «J’étais tellement touchée par l’amitié qui s’était développée pendant le tournage que j’ai pleuré!»