Avec Liberté, lauréat du Grand Prix des Amériques au Festival des films du monde de Montréal (FFM) l’an dernier, Tony Gatlif retrace l’histoire tragique d’un peuple aussi victime de génocide.

Sans Tony Gatlif, cinéaste au cœur de gitan, l’histoire des Tsiganes resterait probablement tapie dans l’ombre, comme elle le fut depuis toujours. Il y a une quinzaine d’années, Latcho Drom avait contribué à faire connaître la culture des Roms à travers leur musique. Liberté, espère l’auteur cinéaste, remettra dans l’actualité un chapitre occulté de l’histoire de ce peuple qui lui nourrit l’âme et l’esprit.

«On ne choisit pas un titre à la légère, faisait remarquer Gatlif l’an dernier, au moment où son plus récent film fut présenté en première mondiale au Festival des films du monde de Montréal. La vie et la liberté sont les choses les plus fondamentales de l’existence.»

Le cinéaste affirme en outre avoir été guidé vers ce film depuis le début de sa carrière. Comme une irrépressible envie de raconter l’histoire tragique d’un peuple aussi victime de génocide. Et dont l’absence est notoire dans les livres et les écoles.

«Je ne pourrais pas dire s’il s’agit de mon film le plus important sur le plan cinématographique – ce n’est pas à moi de juger – mais d’un point de vue historique, sans aucun doute», souligne-t-il.

Liberté fait ainsi écho à un épisode sombre de l’histoire de l’occupation allemande en France, alors que la loi interdisait le nomadisme sur tout le territoire. Le récit s’attarde à décrire les difficultés que rencontre une famille tsigane venue d’ailleurs en 1943. Le maire et vétérinaire d’un petit village (Marc Lavoine), tout autant qu’une institutrice (Marie-Josée Croze), prendront toutefois fait et cause pour ces gens pauvres mais libres d’esprit. Leur histoire est racontée à travers le regard des deux villageois, de même qu’à travers celui d’un petit orphelin français trouvant refuge et réconfort auprès des bohémiens.

«Il est important que l’histoire des Roms, dont environ 500 000 furent exterminés par les nazis, soit connue, revendique l’auteur cinéaste, à qui l’on doit notamment Gadjo Dilo. Les résonances avec notre époque sont réelles. Évidemment, la discrimination ne s’exerce plus de façon aussi radicale, mais tout cela reste bien fragile. Il suffirait d’un chef charismatique pour que tout dérape!»

Une première pour Marie-Josée Croze

Pour Marie-Josée Croze, Liberté marque aussi la rencontre avec un cinéaste qu’elle admire depuis longtemps.

«C’est un peu la concrétisation d’un rêve, fait-elle remarquer. J’adore le cinéma de Tony en tant que spectatrice. Je crois que tous les acteurs rêvent de travailler un jour sous sa direction car ils savent qu’un tournage avec lui ne ressemble à aucun autre.»

L’actrice québécoise prête ici ses traits à un personnage qui, bien que fictif, reste fortement inspiré par une institutrice résistante pendant la Deuxième Guerre mondiale.

«Je suis allée rencontrer cette femme, madame Lundy, qui vit en Champagne, a raconté la récente lauréate du Prix Romy-Schneider. Il est toujours fascinant de constater à quel point des gens ayant vécu des destins aussi exceptionnels -et souvent tragiques- font preuve d’un sang-froid incroyable. Madame Lundy était institutrice par vocation. Toute sa vie était placée sous le signe de l’humanisme et de la dévotion aux autres. Cette vieille fille vivait même à l’étage supérieur de l’école où elle enseignait!»

Ce type de rôle surgit aussi pour une première fois dans la carrière de l’actrice.

«Je n’avais jamais eu l’occasion auparavant de camper un personnage à caractère historique qui existe aussi dans la vie. Se glisser dans la peau d’une héroïne anonyme ne s’apparente toutefois pas à la démarche que doit faire un acteur dont la tâche est d’interpréter un personnage déjà très connu. Je tenais par ailleurs à faire honneur aux vertus humanistes de cette femme. Dont le destin fut quand même particulier.»

Rappelons que Liberté a obtenu l’an dernier le Grand Prix des Amériques, récompense suprême du FFM.

«Parfois, le cinéma peut aussi être l’avocat des opprimés, avait déclaré Tony Gatlif en recevant sa distinction. Ce prix-là, c’est une bougie qui s’éclaire dans le trou noir de l’histoire des Tsiganes en France et en Europe».

Liberté prend l’affiche le 7 mai.