Luc Dionne n’oubliera jamais la réaction de Macha Grenon quand elle a entendu la musique d’André Mathieu pour la première fois: «Elle a pris le petit radio dans ses bras et a dit: ‘Si mon garçon jouait du piano comme ça, y’a personne qui lui toucherait!’» Dès lors, avant même qu’elle n’ait lu le scénario, Dionne savait qu’elle avait cerné l’essence de son personnage: Mimi Mathieu,  la mère maladivement possessive d’André, celle qui ne supportera jamais que son fils adoré aime une autre femme.


Dionne a été tout aussi soufflé par le jeu physique et l’intuition de Patrick Drolet qui incarne le Mathieu adolescent et adulte de L’enfant prodige parmi une distribution tout étoiles qui comprend Marc Labrèche (Rodolphe Mathieu, le père), Karine Vanasse (Camillette, la soeur), Benoît Brière (Wilfrid Pelletier), François Papineau, Lothaire Bluteau, Isabel Richer, Catherine Trudeau...


«Il est arrivé sur le plateau de bonne humeur – il a un drôle d’humour, Patrick – et dès qu’il a enfilé son paletot et qu’on l’a peigné, il est devenu Mathieu, se souvient Dionne. On aurait dit qu’il portait le poids de l’univers sur ses épaules comme un gars qui a trop vécu. Et Patrick m’a dit une chose qui m’a fait tomber à terre: ‘André Mathieu n’a pas de présent, il a juste un passé et un avenir imparfait et incertain.’ Il le comprenait encore mieux que moi!»


Drolet n’aurait sans doute jamais joué Mathieu si, pendant le tournage de De père en flic, il n’avait lui-même demandé sans trop y croire une audition à Denise Robert. «Je l’ai regardé et, franchement, je n’aurais pas pensé à lui, mentionne la productrice. Mais quand il enlève ses lunettes, la ressemblance est frappante avec la photo d’André Mathieu. Quelque chose dans le regard…»


«Un musicien, ce n’est pas un acteur, explique Drolet qui a toujours eu le fantasme de jouer un musicien classique. C’est quelqu’un par en-dedans qui  s’exprime par sa musique. Ma conjointe a fait le Conservatoire de musique et j’ai beaucoup d’amis musiciens;  je les vois, ce ne sont pas des gens de mots, tout passe par la musique. Fallait toujours que je garde ça en tête.»


Le mystère Mathieu

Drolet n’a pas non plus surjoué l’homme miné par l’alcool: «Non,  notre but dès mes premières rencontres avec Luc (Dionne), c’était de servir la musique, que les gens l’aiment, qu’ils se procurent le CD de la bande du film et qu’ils aillent piger dans le catalogue d’Alain Lefèvre qui a presque tout endisqué Mathieu.»


Il  y a de la viande dans le rôle d’André Mathieu, souligne Drolet. De la viande et beaucoup de mystère. «Avec Mathieu, on va de surprise en surprise. J’ai l’impression que nous ne savons aujourd’hui que 40% de son histoire», commente Alain Lefèvre, qui le connaît pourtant plutôt bien.


 «J’ai rencontré beaucoup de gens qui avaient tous des versions différentes de la fin de sa vie, l’acteur. À un moment donné, j’ai décidé d’arrêter d’intellectualiser le tout et je me suis dit: laissons-nous guider par la musique. Elle est tellement chargée d’émotion qu’on n’a pas besoin d’en faire trop.»


André et Rich

Après avoir remporté un prix à Locarno pour son jeu dans La Neuvaine de Bernard Émond, avec qui il va refaire équipe dans son prochain film, Patrick Drolet a beaucoup joué dans des comédies, au cinéma comme à la télé: Le grand départ, De père en flic, Les Invincibles… En forçant un peu, on pourrait sans doute trouver des affinités à son Mathieu, tout en rage contenue qui explose à l’occasion, avec le Rich the Bitch plutôt trouble même si hilarant, qu’il composait dans Les Invincibles. D’autant plus que dans L’enfant prodigue, il renoue avec Catherine Trudeau, la Line la pas fine dont Rich était amoureux dans Les Invincibles.


«Quand on a fait la première journée de tournage avec Catherine, c’était super drôle parce que même les techniciens disaient mon Dieu, c’est Line et Rich, mais qui s’aiment, qui vont pouvoir consommer leur amour!» Mais si André Mathieu est un personnage intérieur, Rich ne l’était surtout pas: «Richard, je l’ai toujours vu comme Baden Powell, le chef du scoutisme: toujours prêt, tous les sens dans le tapis! »

 

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