Pour son premier long métrage, , Frédéric Mermoud a voulu proposer un polar au coeur duquel figure une enquête dont les résonances sont plus intimes que prévues. Gilbert Melki et Emmanuelle Devos sont les têtes d'affiche de Complices.

Au départ, l'envie d'explorer le thème du désir amoureux chez de jeunes gens. De façon frontale, mais pas complaisante. L'idée d'utiliser le cadre d'un polar pour ce faire s'est imposée au gré d'un fait divers, comme on en trouve des tonnes dans les journaux du monde entier. 

«Je trouve fascinant d'explorer le monde de la jeunesse car c'est à cet âge que tout se cristallise, expliquait l'auteur cinéaste Frédéric Mermoud au cours d'une entrevue accordée récemment à Paris. À 18 ou 20 ans, on se construit en tant qu'adulte. On prend habituellement des décisions fortes avec lesquelles il faut ensuite transiger toute sa vie. Le corps change; les idées aussi.»

Les héros de l'histoire de Complices ont à peine atteint l'âge adulte. Vincent (Cyril Descours) et Rebecca (Nina Meurisse) tombent amoureux l'un de l'autre dès le premier regard, échangé dans un cybercafé. Rebecca se rebiffe toutefois le jour où elle apprend que son nouvel amoureux fait parallèlement de la prostitution. Mais le trouble s'installe. La fascination aussi. La jeune fille voudra transgresser son petit monde. Forcément, ce jeu dangereux pourrait être lourd de conséquences. C'est d'ailleurs à la suite d'un drame que deux enquêteurs (Gilbert Melki et Emmanuelle Devos) s'intéressent au cas du jeune couple. Et les destins de ces très jeunes personnes les hanteront progressivement de façon intime.

Au-delà de l'enquête, Mermoud a surtout voulu explorer la nouvelle nature des rapports amoureux entre jeunes gens. Et leur rapport au sexe. «Ces jeunes ont grandi avec le cybersexe, fait remarquer le réalisateur. Ils n'ont aucun complexe et affichent un désir assumé de consommation. De sorte qu'un type comme Vincent peut avoir un rapport sexuel de façon complètement détachée s'il en a envie. Ce rapport très précoce au sexe lui donne l'expérience d'un homme plus mûr en la matière. En revanche, cela se complique quand il tombe amoureux. Il aime comme on aime quand on a 18 ans. Cela ne change rien. C'est ce décalage entre la maturité sexuelle et l'immaturité amoureuse qui m'intéresse.»

La question sexuelle étant au coeur du récit, l'auteur cinéaste a dû aborder le thème de façon franche. Sans tomber dans la représentation détaillée, le film est quand même ponctué de scènes axées plus directement sur cet aspect.

«Il y a dans cette histoire du sexe heureux, mais aussi du sexe tarifé; forcément plus glauque, souligne Frédéric Mermoud. J'ai surtout cherché à profiler les émotions de ces jeunes personnes, avant et après leurs rapports. Je tenais, en fait, à ce que le spectateur puisse ressentir les émotions des personnages. En même temps, il était difficile de contourner ces scènes-là dans ce contexte. Il fallait trouver le bon équilibre. Ne rien édulcorer, mais sans tomber dans le voyeurisme.»

Une approche différente

Gilbert Melki assure, en compagnie d'Emmanuelle Devos, le regard plus «adulte» sur cette histoire. Accordant sa confiance à Frédéric Mermoud sur la foi d'un bon scénario et d'une discussion intéressante, l'acteur souscrivait justement à cette envie d'explorer le monde de la jeunesse.

«Évidemment, mon personnage d'enquêteur n'est pas choqué - il en a vu d'autres -, mais le fait que cette histoire implique d'aussi jeunes personnes le trouble, indiquait-il de son côté. Il est vrai qu'il y a, dans les nouveaux rapports qu'ont les jeunes avec le sexe, des choses qui nous confrontent directement, nous qui sommes issus d'une génération où tout n'était pas exposé de la même façon; en tout cas pas de façon aussi facile.»

Révélé par La vérité si je mens, vu autant chez Belvaux (La raison du plus faible) que chez Ducastel et Martineau (Crustacés et coquillages) ou Téchiné (Les temps qui changent), Melki estime qu'un premier long métrage est toujours un petit peu plus «sensible».

«Il y a toujours cette petite crainte de voir le cinéaste à qui l'on accorde sa confiance passer à côté, ou détourner l'histoire vers autre chose que ce qui était prévu, fait-il remarquer. Quand j'ai vu Complices la première fois, j'ai constaté que le film était différent de celui que nous avions tourné. Les éléments de polar sont moins présents. Cela dit, les choix qu'a faits Frédéric sont tout à fait légitimes et servent très bien le propos. De toute façon, j'essaie de rester le plus libre possible par rapport à une interprétation afin que le cinéaste puisse justement avoir du choix au moment du montage. C'est là que le film prend forme vraiment.»

«Il est vrai que j'ai ressenti le besoin d'épurer au montage, commente Mermoud. À cette étape, le film se réécrit, se radicalise, et tend vers une économie du récit, à plus de profondeur.»

Complices prend l'affiche le 4 juin. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.