Six ans après Les aimants, Yves Pelletier est enfin en mesure de lancer son deuxième long métrage. Avec Le baiser du barbu, l'auteur cinéaste compte accrocher un sourire au visage du spectateur en l'entraînant dans les méandres d'une relation de couple. 

Yves Pelletier sera un «Rock et belles oreilles» à la vie, à la mort. Il ne s'en cache pas. Mieux, il le revendique. Même si l'univers de son cinéma est très différent de celui - plus éclaté, plus «trash» - qu'il explorait avec ses acolytes à l'époque où le célèbre groupe d'humoristes faisait la pluie et le beau temps au Québec, il assume complètement. L'image du grand efflanqué aux personnages bizarroïdes a beau rester toujours bien ancrée dans notre imaginaire collectif, parfois au risque de faire de l'ombre à sa personnalité de cinéaste, Pelletier refuse de s'en formaliser.

«Il y a de fortes chances que l'image que les gens ont de moi leur donne une fausse conception du cinéaste que je suis, ou des films que je fais, fait-il remarquer. En revanche, la notoriété que nous avons eue avec RBO constitue pour moi un énorme avantage. Ne serait-ce que pour obtenir une oreille attentive auprès des décideurs. Qui ne me donneront peut-être pas le feu vert, mais qui auront au moins prêté une attention aux projets que je leur propose. Ce n'est pas donné à tout le monde.»

L'importance du septième art

Dans la vie d'Yves Pelletier, le cinéma est à la fois une vieille passion - merci à papa cinéphile - et un combat de tous les instants. Malgré les trois Jutra attribués à son premier long métrage Les aimants en 2005, dont celui - très prisé - du meilleur scénario, l'auteur cinéaste a dû patienter pendant de longues années avant de pouvoir enfin retourner derrière la caméra. Ne relevant pas de la franche comédie, ni ne découlant d'une démarche plus pointue, son univers, dirait-on, est plus enclin à se glisser dans les failles du système. Un peu comme si les institutions ne savaient trop que faire avec l'énergumène.

«On ne peut pas ranger mes films dans les comédies à vocation populaire, ni dans les films d'auteurs, précise Pelletier. Il n'y a pas de gros gags, ni de répliques assassines. Je suis entre les deux. Les gens des institutions posent souvent un regard très pertinent sur mon travail, à la différence que leurs observations sont totalement différentes, selon qu'ils travaillent à la SODEC ou à Téléfilm!»

Comme pour Les aimants, Le baiser du barbu a finalement obtenu - au quatrième dépôt - l'appui de l'institution québécoise, mais pas celui de l'institution fédérale. Le budget - somme toute modeste - de 3,2 millions de dollars fut bouclé grâce à un «restant» d'enveloppe à la performance que la productrice Nicole Robert avait en réserve. Pas des conditions idéales, non. Le budget - et le temps de tournage - a dû être réduit. Quelques ambitions ont dû être révisées à la baisse.

«Compte tenu des moyens dont nous disposions, je suis quand même très content, affirme Yves Pelletier. Sur le plan visuel, j'avais imaginé autre chose, c'est vrai. Mais sur le plan du ton, du propos, du jeu des acteurs, le film ressemble en tous points à ce que j'avais en tête. Même avec des millions supplémentaires, le ton de ce film aurait été exactement le même.»

Un détail anodin en apparence

Le ton du Baiser du barbu se situe à la frange de la légèreté, mais fait aussi écho à de véritables préoccupations, notamment sur le plan des relations sentimentales. Le récit relate le parcours de Benoît (David Savard), un comédien dont la vie change le jour où il décide de se faire pousser une barbe en vue d'un rôle dans un souper-spectacle. Sa carrière prend alors enfin son envol mais son amoureuse (Isabelle Blais) développe de son côté une allergie. Violente au point de remettre en question leur relation de couple. À partir d'un détail tout à fait anodin, Pelletier invente une histoire au coeur de laquelle se trouve une réflexion beaucoup moins innocente qu'elle n'y paraît au premier abord.

«L'idée m'est venue sur le tournage de Camping sauvage, où j'incarnais un motard, explique le réalisateur. J'avais décidé de me faire pousser la barbe plutôt que d'en porter une fausse. J'ai détesté ça. Et ça peut jouer sur la vie de couple aussi, peu importe le type de transformation physique d'ailleurs. On a beau dire qu'on est amoureux d'une personne, que c'est la «beauté intérieure» qui compte, il reste qu'on est souvent très superficiels sur ce plan-là. Suffit d'un petit détail qui, progressivement, se transforme en un monstre qui prend toute la place!»

Au passage, une allégorie sur le métier de comédien. Particulièrement quand il s'exerce dans des conditions plus difficiles, avec des gens auprès de qui il faut constamment s'ajuster. Ricardo Trogi incarne le frère ancien joueur de hockey devenu l'agent de Benoît; Louis-José Houde, un réalisateur de série-télé; Hélène Bourgeois-Leclerc et Pierre-François Legendre, des amis qui tiennent salon de coiffure et d'esthétique.

Une inspiration british

Très admiratif des comédies romantiques d'esprit britannique, de Four Weddings and a Funeral à High Fidelity en passant par Love Actually, Yves Pelletier apprécie les différentes possibilités qu'offre le genre.

«Cela me séduit beaucoup, dit-il. Par le biais d'une comédie romantique, on peut traiter de plein de sujets sur un ton plus léger et créer un univers très riche. J'aime parler de sujets intimes. Avec Le baiser du barbu, mon ambition n'est pas de plaire à tout le monde, mais de plaire au public naturellement attiré vers ce genre de films. J'espère simplement que les gens sortiront de la salle heureux, avec le sourire aux lèvres.»

Le baiser du barbu prend l'affiche le 18 juin.

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