«Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.»Cet adage est devenu en quelque sorte le modus operandi de Ian Lauzon, qui a vécu une expérience pour le moins vertigineuse en écrivant et en réécrivant plusieurs fois le scénario de Piché: entre ciel et terre avant d'en arriver à la version finale du film portant sur la vie du commandant Robert Piché qui prendra l'affiche le 7 juillet.

Alors que des avions décollaient chaque minute, les membres de l'équipe de Piché: entre ciel et terre - Robert Piché lui-même, les comédiens Michel Côté et Maxime LeFlaguais ainsi que le réalisateur Sylvain Archambault -, réunis la semaine dernière à l'aéroport de Saint-Hubert pour rencontrer les médias, poussaient presque un soupir de soulagement. Ce long métrage tant attendu portant sur les moments charnières de la vie du commandant Robert Piché, qui, le 24 août 2001, a sauvé la vie de 306 passagers à bord du vol 236 d'Air Transat, va finalement voir le jour, après avoir connu un décollage difficile.

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Présentée aux journalistes la semaine dernière, l'œuvre dans laquelle Michel Côté et Maxime LeFlaguais, son fils, incarnent tous les deux Robert Piché à différents moments de sa vie met à l'avant-plan trois moments importants de l'existence du commandant: sa détention dans une prison américaine pour avoir transporté de la drogue, l'atterrissage héroïque d'un avion dont les deux moteurs avaient cessé de fonctionner et son passage dans une clinique de désintoxication pour régler un problème d'alcool survenu à la suite de ce célèbre exploit aérien.

Au dire du scénariste, Ian Lauzon (De père en flic), le film, produit par André Dupuy, qui sera projeté sur les écrans mercredi prochain n'a rien à voir avec la version initiale d'il y a huit ans. «Je n'ai jamais dépensé autant d'énergie sur un scénario», admet-il sans détour.

«À l'origine, j'ai travaillé avec Érik Canuel - qui devait réaliser le film - et on a travaillé des versions qui étaient dans un sens plus rocambolesques, plus seventies», raconte-t-il alors que sa voix est enterrée par le bruit des moteurs des avions qui se trouvent à proximité. Le budget nécessaire pour concrétiser ce projet s'élevait à 9 millions. L'équipe en a obtenu 7. Il fallait faire des miracles avec moins de moyens.

Résultat: le réalisateur Sylvain Archambault est devenu commandant en chef du projet après qu'Érik Canuel eut décidé de quitter l'équipage notamment en raison de ces restrictions budgétaires. «Il a fallu que je trouve une solution assez rapidement», se rappelle Lauzon. Une fois le scénario modifié, plusieurs scènes sont passées sous le bistouri: l'enfance du commandant Piché, sa formation de pilote, son rôle de cuisinier dans la prison ainsi que les activités de théâtre auxquelles il a participé derrière les barreaux...

Puis l'illumination est venue. «Un jour, raconte Ian Lauzon, je lui ai dis: "Robert, ta désintoxication, es-tu prêt à ce qu'on aille là dans le film?» J'étais nerveux, confie-t-il. Et il a dit: "Oui, c'est correct, allons-y."»

À partir de ce pan important de la vie du commandant, qui était presque occulté des premières versions du scénario, on a pu construire le film. «Ce n'était pas abordé et là c'est devenu le film, souligne le scénariste. Et ça, ç'a été une épreuve psychologique immense. J'écrivais des scènes en catastrophe. J'envoyais ça à la production et cinq jours après, je recevais des bandes d'auditions des scènes que j'avais écrites. C'était un peu vertigineux. J'espère ne plus jamais revivre une chose pareille. La pression que j'avais de tout le monde... Tout le monde disait: il n'y arrivera pas. Ils étaient réalistes.»

En plus de la thérapie, le film, dans lequel jouent également Sophie Prégent, Normand D'Amour et Gilbert Sicotte, met aussi en évidence le côté fêtard et charmeur de l'homme ainsi que les rapports qu'il entretient avec sa femme actuelle et ses trois enfants, issus de trois unions différentes.

«On aurait pu faire six heures de télé, ajoute Michel Côté. Juste la prison, on aurait pu faire une heure et demie. On ne peut pas tout mettre. J'espère que les gens vont embarquer dans la thérapie parce que la ligne directrice de tout ça, c'est l'atterrissage de l'homme»,
illustre-t-il.

Et qu'en pense le principal intéressé? «Il y a des deuils qui ont été faits (par rapport au scénario), admet Robert Piché. J'avais convaincu le scénariste de partir le film avec une scène de quand j'étais p'tit gars. Moi, je viens de Mont-Joli et je restais à un mille de l'aéroport. Et ma mère me surprenait souvent à arrêter de jouer avec mes amis pour regarder les avions décoller. On voulait tourner cette scène. Elle était dans le scénario.»Elle ne sera finalement jamais portée à l'écran.

Sexe, alcool et rock'n'roll

Par ailleurs, si le film aborde dans une scène fort réussie le fameux atterrissage du commandant, il met également la lumière sur des moments moins reluisants de la vie de celui que l'on considère maintenant comme un héros, tels que ses problèmes d'alcool, ses infidélités - notamment avec la mère de sa première fille -, sa propension à faire la fête...

Mais le pilote d'avion semble être en harmonie avec l'idée que tout le Québec connaisse maintenant plusieurs de ses secrets. «Quand on regarde le film d'un bout à l'autre, c'est quand même 30 ans de ma vie, rappelle Robert Piché. C'est pour ça que c'est impressionnant pour quelqu'un qui ne me connaît pas beaucoup. Dans le film, on parle du vol 236, on parle de mon alcoolisme et on parle de ma prison. Les gens sont déjà au courant de mes bibittes. De toute façon, je ne peux pas me cacher dans le bois et vivre comme un ermite non plus.»