Dans le cadre du festival Fantasia, la Cinémathèque présente jusqu'au 25 juillet une rétrospective des films du cinéaste britannique Ken Russell. Maître ès irrévérence par excellence.

«Si je crois en Dieu? Bien sûr! J'ai accès direct avec lui sur mon cellulaire», nous a dit à la blague le cinéaste britannique Ken Russell, artiste inclassable, éternellement rebelle à qui rend hommage le festival Fantasia. L'«antéchrist» ressemble aujourd'hui à un gentil grand-papa un peu fatigué, confus, mais jovial et enthousiaste.

Le cinéaste britannique a passé l'âge des étiquettes: iconoclaste, scabreux, pervers, provocateur, insolent, opportuniste, esthète, génie incompris... L'artiste se rangerait plutôt du côté des poètes, lui qui voue un culte au cinéma de Jean Cocteau et aux grandes figures de l'expressionnisme allemand (Lang, Murnau, Wiene). Interrogé sur ses influences, l'auteur ne cite que des cinéastes de l'âge d'or, et si on évoque David Lynch, il se contente d'un: «Je n'ai pas vu ses films», auquel on ne croit pas trop. Ken Russell a créé une oeuvre immortelle, audacieuse et riche, mais il appartient à une autre époque, voire un autre monde.

«Les nouvelles technologies au cinéma sont entre de mauvaises mains, ce ne sont que des gadgets. Je ne fais pas des films pour les intellectuels, je m'adresse au grand public, mais j'aime lui donner à réfléchir et à rêver, même si les rêves que je propose sont souvent des cauchemars», fait-il.

Vrai que Russell n'a jamais fait dans la dentelle depuis The Devils en 1971, présenté lundi dernier sur grand écran en version intégrale à Fantasia. On lui doit des films assez tordus, proches d'un certain surréalisme macabre qui rappelle parfois les expériences cinématographiques d'Alejandro Jodorowsky ou les films de Mario Bava et Dario Argento. Et même Bunuel. Mystérieusement, celui qui a connu mille déboires avec la censure et les obscures autorités qui décident du bon et du mauvais goût n'est pas un ennemi de ce système d'épuration organisée et systématique.

«Je ne suis pas contre la censure, dans certains cas cela est utile et nécessaire. Il y a trop de violence dans les films de nos jours, les spectateurs ne sont plus choqués, ils s'y attendent.» Étranges propos de la part de l'auteur du film The Devils qui, à l'époque, avait fait couler beaucoup d'encre et, du coup, transformé Ken Russell, de plein gré, en renégat du cinéma.

The Devils

The Devils est une sorte de conte lubrique et brutal dans lequel il y a chasse aux sorcières dans la France du XVIIe siècle. Vanessa Redgrave et Oliver Reed y sont les vedettes. Près de 40 ans après les premières projections, houleuses et litigieuses, cette oeuvre que n'aurait pas désavoué le marquis de Sade n'a rien perdu de sa force ni de sa fougue.

Les films de Russell sont de ceux qui marquent la mémoire de manière subliminale, c'est-à-dire sans trop qu'on sache pourquoi. Gothic, Crimes of Passion, Tommy, Lisztomania, The Lair of the White Worm, des films choquants, parfois même embarrassants, mais conçus et mis en scène par un esthète rare, malheureusement méconnu du grand public et mésestimé par la presse spécialisée qui ne lui fait pas beaucoup de cadeaux depuis des années.

Fabulateur cynique, Ken Russell dit encore: «»Réalité» est un mot vulgaire pour moi.» Belle épitaphe pour cet incorrigible marginal.

Une dizaine de films de Ken Russell sont présentés à la Cinémathèque du 21 au 25 juillet. Visitez le www.cinematheque.qc.ca