Avec bientôt deux ans de retard, les cinéphiles québécois auront enfin l’occasion d’apprécier la composition saisissante de Vincent Cassel dans le rôle de Jacques Mesrine. Le premier volet du diptyque, intitulé L’instinct de mort, prend l’affiche vendredi. Le second, L’ennemi public no. 1, sortira deux semaines plus tard, soit le 27 août.

S’ajoutant aux imbroglios de la distribution, la mise sur pied de ce projet ambitieux fut vraiment ardue.

«De tous ceux qui ont travaillé sur ce projet à un moment ou à un autre, je suis celui qui est là depuis le plus longtemps!», faisait remarquer l’acteur au fil d’entrevues accordées à La Presse depuis la toute première présentation du film au Festival de Toronto de 2008. «À part le producteur Thomas Langmann, évidemment!», précise-t-il.

Langmann ayant baigné dans le milieu du cinéma toute sa vie (il est le fils de Claude Berri), ce dernier a entretenu le fantasme de porter la vie de Mesrine à l’écran depuis le jour où, à 11 ans, il a lu l’autobiographie du célèbre criminel. Depuis une trentaine d’années, les tentatives de porter la vie du gangster à l’écran, sous l’égide de différents producteurs et cinéastes, ont toutes échouées. L’impasse s’est pourtant dénouée il y a une dizaine d’années alors que, maintenant à la tête de sa société de production, Thomas Langmann a convaincu la fille de Mesrine, Sabrina, de lui céder les droits d’adaptations des récits écrits par son père (L’instinct de mort et Coupable d’être innocent). Dans l’esprit du producteur, un seul acteur peut alors se glisser dans la peau de ce personnage plus grand que nature: Vincent Cassel.

«Évidemment, ce genre de rôle fait rêver, indique le lauréat du César du meilleur acteur. L’homme est pétri de contradictions, et le film de gangsters évoque quelque chose de très fort au cinéma. En plus, ce film donne aussi l’occasion de revenir sur une page récente de notre histoire sur le plan politique, médiatique et social. Bref, le sujet est riche sous bien des aspects. En plus, Mesrine a frappé notre imaginaire collectif de façon tangible, auprès des gens de ma génération mais aussi auprès des générations précédentes. Avec cette façon de narguer les autorités, il est devenu une espèce de symbole de rébellion, de liberté, de subversion. Il fallait faire attention, ne pas tomber dans la glorification du personnage.»

Repartir à zéro

Pour cette raison, Cassel a tout remis en jeu il y a cinq ans. À cette époque, le réalisateur Barbet Schroeder était aux commandes. Le réalisateur de Barfly comptait porter à l’écran un scénario dans lequel le criminel français était montré comme un héros à la Robin des bois.

«Je n’étais pas du tout d’accord avec cette vision, insiste Cassel. Trop manichéenne à mon goût. Je me suis cassé afin de les forcer à tout reprendre depuis le début. Ils ont essayé de recruter un autre acteur mais cela n’a pas fonctionné. Je peux bien le dire aujourd’hui, c’était un coup de bluff. Au fond, je savais bien qu’ils reviendraient vers moi! Et là, on a pu bien faire les choses. Un nouveau scénariste a été recruté (Abdel Raouf Dafri, scénariste de Un prophète), de même qu’un nouveau réalisateur. Quand j’ai vu Assault on Precinct 13, j’ai su que Jean-François Richet était notre homme. Jean-François est un vrai cinéaste. Il maîtrise la technique, le langage du cinéma. C’est son métier. Ce n’est pas comme un acteur qui passerait derrière la caméra pour s’amuser. Ou un journaliste!»

Une performance fiévreuse

Le défi est énorme. Le tournage durera neuf mois, pour deux longs métrages de deux heures au cours desquels on retrace la vie du criminel. De son service à la guerre d’Algérie à la fin des années 50, jusqu’à sa mort violente en pleine rue en 1979, en passant par ses années québécoises. Pour le rôle, Cassel engraisse de 22 kilos.

«Ton corps n’est plus le même, ne bouge plus de la même façon, explique-t-il. Même la voix se transforme. Mais tout cela s’est fait dans la bonne humeur!»

Même si sa performance est fiévreuse, électrique et très intense, l’acteur affirme ne pas être du genre à se brûler les ailes pour un rôle. Aussi, il lui semblait important de faire écho à tous les aspects d’un personnage à la fois charmeur et odieux.

«Je ne suis pas du genre à me perdre dans la vie d’un autre, soutient Cassel. Je crois être suffisamment équilibré pour ne pas traîner un personnage dans ma propre vie. Les gens de mon entourage vous diront que j’ai parfois tendance à trimbaler des trucs mais je crois savoir décrocher quand je quitte le plateau. J’exerce mon métier de façon sérieuse mais ça reste un exercice ludique quand même. On fait du cinéma. Ce n’est pas une question de vie ou de mort. Je n’ai jamais pensé que Mesrine serait le rôle de ma vie. Je ne pense jamais en ces termes-là.»

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L’instinct de mort prend l’affiche le 13 août.