Un premier long métrage, un film à petit budget d'un réalisateur et scénariste obscur. À première vue, pas de quoi se précipiter en salle: seulement, avec The Disappearance of Alice Creed (à l'affiche vendredi), le cinéaste britannique J Blakeson réalise un coup de maître: un polar parfaitement bien ficelé, avec deux superbes rebondissements et un trio d'acteurs terriblement efficace.

D'où l'envie folle de préserver le scénario, et en dire le moins possible, à l'exemple du synopsis du film, court, clair et concis: dans un quartier huppé, deux hommes enlèvent une jeune femme, Alice Creed (Gemma Arterton). Qui sont-ils? Que veulent-ils? Et pourquoi elle? La jeune femme est bâillonnée, ligotée, menottée, attachée à un lit dans une chambre de 10 mètres carrés. Quant aux preneurs d'otage, Vic (Eddie Marsan) et le jeune Danny (Martin Compston), ils semblent bien organisés et prêts à tout pour parvenir à leurs fins.

Pour parvenir à réaliser son film, J Blakeson a dû composer avec un petit budget: économie de personnages et de décors, tournage en un mois et uniquement sur l'Île de Man du fait des subventions. Avec un concept épuré: l'enlèvement.

«Le film de kidnapping est un genre assez simple avant tout basé sur la relation qui naît entre la victime et ses ravisseurs (...) La mécanique bien huilée de ce genre de films correspondait à ce que j'avais envie de faire, confie Blakeson. Cela dit, The Disappearance of Alice Creed ne respecte pas vraiment tous ces codes.»

Effectivement, les codes du genre sont bousculés. The Disappearance of Alice Creed  brouille sans cesse les pistes et joue avec les nerfs de ses personnages et avec ceux de ses spectateurs. Parfois tendre, parfois terrifiant à la limite du film d'horreur, et toujours stressant par son suspense.

«J'aime m'amuser avec les ficelles du genre, donner l'impression de m'attacher à l'un d'eux avant de changer de registre. Il en va de même avec les personnages. Au début, ils sont archétypaux: le leader psychopathe, son jeune complice un peu effacé et la victime terrifiée et sans défense. Mais peu à peu, un glissement s'opère.»

Une évolution que les acteurs explorent à merveille: star montante du cinéma britannique, Gemma Arterton (James Bond girl dans Quantum of Solace) offre une belle performance, d'autant plus que ses scènes de séquestration ont été filmées de façon chronologique. À ses côtés, Eddie Marsan (21 Grams) est tour à tour effrayant, grotesque ou touchant, tandis que Martin Compston confirme son talent d'acteur révélé dans Sweet Sixteen de Ken Loach.

Sélectionné dans de nombreux festivals (Londres, Toronto, Tribeca), The Disappearance of Alice Creed est donc un coup d'essai réussi pour J Blakeson, le tout avec un budget minuscule. Nul doute que pour son prochain film, le cinéaste aura un plus gros budget et des studios prêts à le courtiser.