Dans Mères et filles, film de Julie Lopes-Curval à l'affiche le 10 septembre au Québec, Marie-Josée Croze joue une femme refusant d'être confinée à la maison. 

De Paris, la comédienne québécoise a accordé une longue entrevue à La Presse. Généreuse, allumée, enjouée, elle nous parle de cette attachante Louise et du fait qu'elle viendra bientôt au Québec pour une semaine de tournage dans un rôle d'abord attribué à Juliette Binoche.

La Presse: Qu'est-ce qui vous a plu dans le scénario?

Marie-Josée Croze: Lorsque j'ai lu le scénario, j'ai été très émue. Je n'ai jamais lu d'histoire de femmes racontée de cette manière. Il y avait de nombreux sujets abordés: la transmission, les relations mère-fille, le féminisme, le combat des femmes pour accéder à l'émancipation. Cela traitait donc de plein de sujets très intéressants. En plus, c'était fait avec beaucoup de poésie et d'originalité.

Q : Parlez-nous du rôle de Louise.

R : J'étais très touchée par cette femme, par son combat. Comme Louise est un personnage qui n'existe que dans l'imaginaire d'Audrey (NDLR: dans le film, Audrey (Marina Hands) est la fille de Martine, jouée par Catherine Deneuve), il y avait un travail de création à faire, un niveau de langage à trouver. J'ai beaucoup regardé des films de Truffaut afin de trouver la langue, la musique de ce personnage.

Q : Intérieurement, comment est-elle?

R : J'ai beaucoup pensé à ma mère lorsque je l'ai jouée. Ma mère a vécu dans ces années 50 et m'a beaucoup raconté ce qui s'est passé après la guerre. Tout d'un coup, tout le monde était obligé d'être heureux. Il y avait une ambiance où il fallait être sur son 36. Ma mère m'a aussi raconté que sa propre mère n'avait pas le droit d'avoir son propre compte en banque. Donc, pour moi, Louise est une femme qui cherche à s'émanciper, qui cherche sa place. Elle n'est pas heureuse du rôle qu'on lui a assigné. Elle essaie de faire autre chose, de la photo, d'apprendre l'anglais, en somme, de sortir de son carcan. Mais on la remet toujours à sa place. Je me suis imaginé qu'elle était un peu dépressive, qu'elle vivait un grand abattement.

Q : Vous avez déjà dit aimer les personnages qui luttent. Louise en est-elle un?

R : J'aime les personnages qui évoluent. C'est normal, dans les scénarios, d'avoir des personnages un peu décoratifs. Moi, ça ne me tente pas beaucoup de les jouer. J'aime les personnages qui luttent, qui ont des démons, des choses à surmonter. Je n'ai pas de rôle fétiche. Je ne dis pas: Ah! J'adore jouer les méchantes, les déséquilibrées ou les femmes du monde. Tout est intéressant. J'ai joué des rôles très différents et c'est assez agréable de faire des vies qui ne sont pas les nôtres.

Q : Justement, les personnages de Mères et filles ont des vies très dures. Ne doit-on pas avoir une distance avec soi pour jouer de tels rôles?

R : En règle générale, les rôles sont un savant mélange entre la distance et l'apport de ses propres affaires. Je ne crois pas qu'être acteur, c'est se camoufler. Au contraire, chaque choix de rôle est déjà une approche pour dire quelque chose de soi.

Q : Le cinéma a une très grande place dans votre carrière. Pourquoi?

R : Je trouve les films plus porteurs. Le cinéma est une forme d'art, alors que la télé est un divertissement. Je ne snobe pas la télé mais j'ai envie de faire partie d'une oeuvre. J'ai la chance de pouvoir le faire. J'essaie de faire les bons choix, j'essaie de faire des choses qui me ressemblent et d'être courageuse dans mon parcours. Ça implique le fait de savoir dire non et d'aller vers des choses importantes pour moi. Il peut se passer des mois avant que je dise oui à un rôle. C'est angoissant, mais il faut apprendre à ne pas tout accepter. De cette façon, on peut être libre lorsqu'un beau rôle arrive. Je ne dis pas que mon parcours est sans fausse note. Mais je n'ai fait que des choses pour lesquelles j'avais un réel intérêt. En cela, ce parcours me ressemble.

En tournage au Québec

Marie-Josée Croze passera «une petite semaine» en janvier au Québec afin de tourner dans un film de Santiago Amigorena intitulé Une autre forme de silence.

Coproduction Canada-France-Argentine, ce long métrage sera tourné avec la participation de Max Films. Luc Vandal en sera le producteur.

Jouant le personnage principal, la comédienne québécoise a accepté ce rôle qui avait au départ été attribué à Juliette Binoche. «Ça se passe comme ça dans la vie sur le plan du casting, du temps et de l'occupation des personnes. Moi, je trouve que ce sont deux comédiennes qui se valent et nous sommes très contents», dit Roger Frappier de Max Films à propos de ce changement. Les autres comédiens de la production sont sud-américains. Par contre, plusieurs Québécois seront de l'équipe technique. 

«Le film raconte l'histoire d'une policière qui vit aux États-Unis mais qui est originaire de Montréal, dit la comédienne à propos de son rôle. Un jour, sa vie bascule lorsque sa famille est tuée dans un règlement de comptes et elle part à la recherche des tueurs.» 

Le tournage de ce road movie se déroulera aussi en Argentine. La production sera terminée en septembre 2011 et le film sera distribué par Séville.