La dernière fois qu'on l'a vu au grand écran, Mathieu Amalric jouait le rôle du méchant dans le James Bond Quantum of Solace. Il nous revient aujourd'hui devant et derrière la caméra pour Tournée, qui est présenté ce soir et dimanche au FNC.

Ce brillant petit film, qui raconte la tournée française d'une troupe d'effeuilleuses américaines, a remporté le prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes. Amalric admet que cette prestigieuse récompense l'a touché. Car si le comédien était depuis longtemps reconnu (deux Césars depuis 1997), c'était moins le cas pour le cinéaste.

«J'ai eu l'impression de rentrer à la maison. De revenir au moment où je suis tombé en cinéma», résume-t-il.

Amalric ne s'en est jamais caché: il est devenu «acteur par accident» et n'accepte d'ailleurs plus de jouer «que pour des amis». La réalisation, en revanche, l'intéresse beaucoup plus, lui qui a déjà cinq longs métrages à son actif.

Étonnant, à cet égard, qu'il se soit attribué le rôle principal dans Tournée. Ce n'était pas sa première intention, même si tout le monde autour de lui savait depuis longtemps qu'il était le seul à pouvoir incarner ce personnage de producteur déchu et exilé, qui revient en France par la petite porte, avec une bande de (véritables) strip-teaseuses. Mais au bout du compte, le choix était le bon.

«Ça m'a obligé à être dans le champ avec les actrices, dit-il, et pas simplement en mode observation.»

Né il y a près de trois ans, Tournée s'est librement inspiré de L'envers du music-hall, un livre de Colette qui évoque la vie de tournée d'une femme pantomime vaguement scandaleuse. Mais de fil en aiguille, le scénario a pris un virage plus actuel. Amalric a monté de toutes pièces une troupe d'artistes de cabaret recrutées aux États-Unis, puis a filmé leur tournée française en mélangeant le documentaire (les scènes en spectacle sont réelles) et la fiction.

Potelées et tatouées

Le réalisateur dit avoir été séduit par le côté «contemporain» de ces effeuilleuses potelées et tatouées, ambassadrices du mouvement néo-burlesque, qui rejettent d'emblée les obligations de perfection imposées par les médias. «Elles font quelque chose de politique qui passe par le corps et l'humour. Ce qui me semble sain et vivifiant», souligne Amalric.

Pour cette raison, dit-il, Tournée va bien plus loin qu'une simple... tournée. C'est aussi et surtout l'histoire d'une bande de femmes imparfaites, qui s'exposent sans complexes, avec tous leurs fantasmes, leur colère, leur timidité et leurs paradoxes.

Qu'elles soient américaines accentue en outre l'extrême «francitude» du film, essentiellement campé sur la côte atlantique du pays. Entre l'hostile Paris, inaccessible point d'orgue de la tournée, et les nombreuses villes de province que traverse la troupe, d'hôtel anonyme en hôtel anonyme, Amalric nous présente l'Hexagone sous un jour blafard et complètement anti-glamour.

«Ce sont deux continents qui se rencontrent», explique le cinéaste, en évoquant les Lettres persanes de Montesquieu. Le mélange des langues ajoute d'ailleurs à la charge comique du film, qui exploite avec brio le choc des cultures. Ironiquement, Tournée ne semble pas près de sortir aux États-Unis, pour une bête question de droits musicaux mirobolants.

Cela n'empêchera pas Amalric, l'acteur, de poursuivre sa carrière internationale, entamée avec Munich de Spielberg et Le scaphandre et le papillon, de Julian Schnabel. On devrait notamment le voir en 2011 aux côtés d'Isabella Rossellini dans Chicken with Plums, le nouveau film de Marjane Satrapi (Persepolis), où il incarne le rôle d'un Iranien moustachu.

Et qu'a-t-il retenu du tournage de Quantum of Solace? Souvenirs partagés, apparemment. S'il n'a pas l'impression d'avoir joué dans le meilleur James Bond («même ma mort n'était pas géniale»), il avoue en avoir appris un rayon côté cascades. «C'est sûrement le plus important. Parce que j'adore les défis physiques. Sur ce point, je me suis bien amusé.»

___________________________________________________________________
Tournée est présenté ce soir à 19 h au Cinéma Imperial et dimanche à 16 h 15 à l'eXcentris.