Pour son complice Gore Verbinski, Johnny Depp prête sa voix à un caméléon coincé dans une intrigue de western spaghetti. Quelque part entre les univers de Sergio Leone, John Ford et Paul Thomas Anderson, Rango creuse un sillon différent dans le genre du film d’animation «tous publics».

Un film d’animation inspiré des westerns spaghettis de Sergio Leone, campé dans le décor de There Will Be Blood? Pour son entrée dans le domaine de l’animation, le cinéaste Gore Verbinski (Pirates of the Caribbean) n’a pas ménagé les influences ni ses ambitions. Rango, western déjanté farci de clins d’œil que ne renieraient pas non plus les frères Coen, marque aussi le premier film d’animation auquel s’est entièrement consacré Industrial Light & Magic, célèbre firme fondée par George Lucas, spécialisée dans les effets spéciaux.

«Lors de nos rencontres préliminaires à propos de ce projet, Gore et moi avons tout de suite tenté de trouver la voix du personnage, a raconté Johnny Depp au cours d’une conférence de presse tenue récemment à Los Angeles. Cela fait quand même toujours un peu étrange quand tu te rends compte tout à coup que deux hommes au mitan de l’âge se mettent à discuter de la possibilité que l’un d’eux se transforme en lézard!»

Les deux amis se sont mis d’accord pour que le populaire acteur, qui avait déjà prêté sa voix au personnage de Victor dans Corpse Bride, emprunte un registre vocal un peu plus élevé afin de rendre justice à l’aspect «cartoonesque» de son personnage. La nature d’un caméléon étant de se faire le plus discret possible en se fondant dans le décor, le récit s’attarde à décrire le parcours inusité de l’un d’eux, surnommé Rango, en pleine crise d’identité. Comment se sentir utile quand votre principale caractéristique est de passer inaperçu aux yeux des autres? En échouant par hasard à Dirt City, ville du Far West où de sournoises créatures du désert font régner la terreur, Rango doit pourtant s’improviser shérif. Et pourrait même devenir le héros de la place.

En plus «sale»!
Travaillant en étroite collaboration avec les animateurs d’ILM, Gore Verbinski a conçu son film avec une petite équipe sur le plan créatif, histoire de soutenir une vision bien personnelle. Hal Hickel et Tim Alexander, qui ont déjà travaillé pour de grands studios d’animation hollywoodiens, ont bien apprécié cette approche.

«Il est vrai qu’il y a habituellement un nombre effarant d’intervenants dans ce type de production, disent-ils. De sorte que les films sont souvent calibrés de la même façon. Dans le cas de Rango, Gore voulait clairement quelque chose d’un peu plus «sale», d’un peu plus «trash». Comme un film de Leone dont les personnages seraient campés par des bestioles. Avec des plans très rapprochés. Le monde de l’animation a fait des pas de géant grâce aux images de synthèse, mais il est vrai que le numérique a parfois tendance à donner des images un peu trop «propres». Cela est formidable quand ça correspond à l’univers qu’on veut dépeindre à l’écran; moins quand on se retrouve dans un saloon malfamé au beau milieu du désert!»

Star tous publics
D’évidence, Johnny Depp et Gore Verbinski ont créé une complicité au fil des trois premiers volets des Pirates des Caraïbes qu’ils ont tournés ensemble. D’une certaine façon, cette collaboration féconde a aussi scellé l’affection que porte le jeune public à l’acteur depuis Edward Scissorhands.

«Ma fille est née avant le premier Pirates, explique celui qu’on a récemment vu dans The Tourist. Pendant quatre ans, je n’ai pratiquement regardé que des dessins animés. Et je me suis rendu compte à quel point les repères que nous avons en tant qu’adulte ne tiennent plus du tout auprès des enfants. On peut leur faire les propositions les plus extravagantes et ils les acceptent d’emblée. Ou pas. On peut davantage faire confiance à ce public-là car il ne triche jamais. Et on sait qu’on aura toujours l’heure juste.»

Cela dit, les artisans de Rango ont truffé le récit de références qui ne pourront être parfois comprises que des adultes. Le film baigne aussi dans une atmosphère beaucoup plus «délinquante» que les habituels contes de fées.

«Mais Rango reste avant tout un film destiné au jeune public, revendique quand même Gore Verbinski. Évidemment, les plus jeunes en feront une lecture différente et ils risquent de poser des questions sur le pourquoi du comment, mais nous avons déjà fait des projections devant un public d’enfants et les réactions étaient fascinantes. Les plus petits ont leur propre logique. Et je crois que nous avons tendance parfois à sous-estimer leur capacité à apprécier les choses plus étranges, moins rationnelles. Mais il est vrai qu’il y a aussi des éléments que les adultes apprécieront davantage. Quand je fais un film, je tiens à ce que tout le monde passe un bon moment!»

Déjà rompu aux suites, Verbinski n’exclut pas la possibilité d’ajouter un jour un autre épisode aux aventures de son nouveau personnage animé.

On note aussi que la version française de Rango exploitée sur notre territoire a été réalisée au Québec.

Rango prend l’affiche le 4 mars en version originale et en version française.

Les frais de voyage ont été payés par Paramount Pictures.