Accompagné d'une imposante délégation venue du Québec et de France, Jean-Marc Vallée a finalement lancé hier Café de Flore à la Mostra de Venise. Les 1300 sièges que compte la Sala Darsena étaient pratiquement tous occupés au moment où l'équipe du film a fait son entrée. À la fin de la projection, on comptait autant de spectateurs qu'au début. Dans le cadre d'un grand festival de cinéma, il s'agit là d'un bon signe. L'échange avec les spectateurs au cours de la traditionnelle séance de «questions-réponses» s'est aussi déroulé devant une bonne foule.

À la sortie de la projection, Jean-Marc Vallée disait être très satisfait de la réaction du public. «J'ai senti une bonne vibe, a-t-il déclaré. Je suis touché de savoir que le public de C.R.A.Z.Y. m'attendait avec ce nouveau film et qu'il s'est présenté au rendez-vous. Sur le plan international, c'est de Venise que tout est parti pour C.R.A.Z.Y.»

Du côté des producteurs Pierre Even et Marie-Claude Poulin, on se disait aussi «soulagé» par l'accueil chaleureux qu'a obtenu le film.

Cet accueil fut d'autant plus apprécié des artisans du long métrage que Café de Flore n'est pas un film traditionnel sur le plan du récit. Empruntant essentiellement une approche impressionniste, Vallée propose davantage ici une expérience sensorielle. Dans son univers, le coeur l'emporte largement sur la raison et distille des aspects fantastico-mystiques que laissait déjà entrevoir C.R.A.Z.Y. À cet égard, l'approche narrative est audacieuse. Et se révèle si personnelle que l'auteur cinéaste s'est aussi chargé du montage lui-même.

«Ce film est complètement déstructuré, précise Vallée. Comme il n'y a pas de trame linéaire, le montage se révèle particulièrement complexe. Il fallait faire des choix de façon à tenir le public en haleine, même s'il ne sait pas trop ce qui se passe au cours de la première heure! Je crois qu'un deuxième visionnement est souhaitable pour ce genre de film. Je suis bien conscient des efforts que doit faire le spectateur.»

Une histoire plus forte que l'autre

Le récit s'attarde à décrire parallèlement deux histoires n'ayant rien à voir l'une avec l'autre, campées dans deux époques et deux pays différents. Ce postulat de départ est assez risqué, surtout si l'une des histoires prend le dessus sur l'autre sur le plan dramatique. C'est ce qui arrive ici. Cette histoire d'une mère qui, à Paris en 1969, a pris le pari de donner à son enfant trisomique, envers et contre tous, la plus belle des enfances, se révèle en effet plus forte. D'autant plus que Vanessa Paradis livre une performance aussi vibrante qu'étonnante. Cela dit, l'histoire contemporaine d'un homme ayant tout pour être heureux, mais dont l'ancienne femme ne parvient pas à faire le deuil de leur séparation, comporte de beaux moments aussi. Kevin Parent, qui fait ici ses débuts au cinéma, crève d'ailleurs l'écran dans le rôle de cet homme déchiré. Evelyne Brochu et Hélène Florent l'entourent magnifiquement.

Mais les fils du récit paraissent quand même moins bien noués. Et la structure narrative reste passablement déroutante par moments.

Fidèle à son habitude, Jean-Marc Vallée a par ailleurs concocté une trame musicale d'une exceptionnelle qualité. En plus de la chanson ayant inspiré le film, l'auteur cinéaste s'est fait plaisir en utilisant plusieurs pièces du groupe Sigur Ros. Et il ponctue son récit du célèbre Breathe de Pink Floyd.

Café de Flore n'étant pas un film lisse, des réactions partagées sont à prévoir. Dans les journaux spécialisés de référence, le film de Jean-Marc Vallée a trouvé grâce auprès du critique du Variety, mais beaucoup moins auprès de celui du Hollywood Reporter.

Rappelons que Café de Flore prend l'affiche le 23 septembre au Québec. En France, il sera d'abord lancé à la Semaine du cinéma du Québec cet automne, et prendra ensuite l'affiche en salle au début de 2012.