En première québécoise, l'ONF présente ORA, court métrage de Philippe Baylaucq, qui utilise la thermographie 3D pour la première fois en filmant une chorégraphie de José Navas. Sous les regards croisés des deux caméras infrarouges, six Terriens, éclairés de l'intérieur, dansent dans l'univers.

C'est en tout cas une lecture possible de ce film intrigant et envoûtant qui, grâce à l'abstraction formelle du vocabulaire chorégraphique de Navas et aux choix techniques, mais aussi philosophiques, de Baylaucq, permet à chacun de se raconter son histoire ou simplement de méditer sur la poésie qui jaillit de cette prouesse technologique.

Trois tableaux se succèdent. D'abord, des cellules colorées se meuvent sur un fond scintillant. Puis apparaissent trois femmes et trois hommes qui dansent dans un endroit aux parois réfléchissantes. Enfin, le mouvement s'organise en figures pour finir en une spirale.

Techniques novatrices

Philippe Baylaucq explique: «Les trois tableaux renvoient aux trois questions philosophiques fondamentales: d'où venons-nous? Où sommes-nous? Où allons-nous? Et, comme toujours dans l'art abstrait depuis Kandinsky, chacun interprète à partir d'un mouvement sans histoire et sans figuration.» Et avec une bande sonore qui évoque l'espace, galactique sinon spirituel.

Le cinéaste a utilisé trois procédés techniques novateurs, dont la chaleur des corps comme unique source d'éclairage (pour la première fois dans l'histoire du cinéma): «Les danseurs s'autoéclairent. La peau est un conducteur de chaleur, plus ou moins selon le caractère de chacun. En même temps que l'énergie, ce procédé révèle la personnalité.»

Il n'a pas été possible de filmer les corps nus, pour plusieurs raisons. «Ça m'a dérangé, mais le film reste très beau, affirme le chorégraphe José Navas. De toute façon, ce n'est pas mon film. J'ai mis mon matériel chorégraphique au service du film de Philippe et j'ai beaucoup aimé être dans ce rôle-là. J'ai maintenant la maturité nécessaire pour offrir mon travail et le voir devenir autre chose.»

On reconnaît cependant la signature gestuelle de Navas, que le film révèle et permet d'aborder de l'intérieur: «C'est ce que je voulais, dit Baylaucq. La scénographie s'est écrite dans la rencontre entre ces deux arts.»

Le cinéaste rappelle que la danse est à la genèse de l'ONF. Norman McLaren voulait être danseur et, devenu cinéaste, il a intégré le mouvement à l'image elle-même: «L'esprit de McLaren plane toujours sur l'ONF. Mon film s'inscrit dans cette tradition de recherche fondamentale sur les possibilités issues de l'interaction entre un matériau (le corps ici) et l'outil (la thermographie 3D).»

ORA, de Philippe Baylaucq, suivi de Pina, de Wim Wenders, aujourd'hui, 16 h 15, au Quartier Latin dans le cadre du FNC. En salle le 3 décembre.