«Toutes les vies méritent d’être racontées, transfigurées par le souvenir, la mienne autant qu’une autre», dit la cinéaste Paule Baillargeon qui, pour son onzième film, propose une oeuvre hybride qui fait un retour sur sa propre carrière. Regard à la fois dur et tendre, lyrique et pertinent, objectif et sensible sur elle-même et ce qu’elle a accompli. Le tout avec un grand sens de l’équilibre. Produit par l’Office national du film où la cinéaste était en résidence au cours de la dernière année, Trente tableaux est présenté en première mondiale au FNC.

Q: Pourquoi ce projet maintenant?

R: « J’étais prête à faire ce film et j’en avais le désir. Je voulais lever certaines ambiguïtés. Les artistes ont souvent le sentiment d’être mal compris et je voulais m’attarder à ce genre de dévoilement. De plus, une résidence à l’ONF me permettait de travailler librement sur un projet. Je n’aurais jamais eu une si belle opportunité de travailler ainsi à mi-chemin entre documentaire et fiction.»

Q: Ce travail a-t-il été fait dans le bonheur ou la douleur?

R: «Dans le bonheur (voix attendrie). Dans le plaisir et la joie! J’avais la distance nécessaire pour accomplir le film. Jamais je n’aurais pu faire cela plus jeune. C’est un film de maturité. C’était agréable. J’étais bien entourée, entre autres par la productrice Colette Loumède. Et quel bonheur de se retrouver durant six mois avec le monteur Michel Giroux. Il fallait qu’il se montre très créatif avec les éléments que je lui fournissais pour son travail.»

Q: Vous dites dans le film, qu’enfant, vous n’étiez pas bonne en dessin. Pourtant, une bonne partie du film est constituée de vos dessins en animation. Une sorte de rattrapage?

R: «Oui, petite, ma mère disait que je n’étais pas bonne pour dessiner. Elle a fait faire un de mes dessins d’école par une autre personne. J’ai été longuement bloquée. J’ai mis vingt ans avant de prendre un papier et un crayon et de me dire: Allons-y! À partir de ce moment, je n’ai jamais arrêté. Aujourd’hui, dessiner est pour moi un grand bonheur. Je ne pense à rien. Mes dessins me racontent. Je dirais même qu’ils me précèdent. Ils expriment mes humeurs.»

Q: Il y a peu d’éléments urbains dans votre film, pourquoi?

R: «Je suis restée éloignée de Montréal durant douze ans. J’y suis revenue il y a à peine deux ans et demi. Et puis, je suis une fille de l’Abitibi. J’aime la nature, la forêt, les lacs et les rivières. Dans le film, j’y vais et j’en reviens souvent. J’habite et j’aime la ville, mais on ne sort pas l’Abitibi de soi-même!»

Q: Vous vous attardez davantage à votre carrière de cinéaste que de comédienne. Pourquoi?
R: «C’est de ma carrière de cinéaste dont je voulais parler. Je ne voulais pas que le film devienne un curriculum vitae. Et je ne voulais pas aller dans ce qui est le plus connu de moi. Je suis une cinéaste dans l’âme.»

TRENTE TABLEAUX
Ce soir 19h15 au cinéma Ex Centris (salle Parallèle)