Depuis la fin des années 1960, la cinéaste belge Chantal Akerman a signé de nombreux courts et longs métrages dont Un divan à New York et La captive. Son plus récent film, La folie Almayer, présenté ce week-end au FNC, est une adaptation du premier roman de Joseph Conrad écrit en 1895.

La réalisatrice a plutôt choisi de camper son intrigue à Bornéo à la fin des années 1950 où Kaspar Almayer, un homme amer, désabusé et troublé, berce ses jours de ses vieux rêves de devenir riche et son amour fusionnel pour sa fille. Le comédien Stanislas Merhar défend pratiquement à lui seul l’intrigue de ce film glauque, onirique et presque sans parole qui se distingue par sa photographie. Cyberpresse a récemment rencontré M. Merhar au Festival international du film francophone de Namur, en Belgique.
 

Q. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce film?

R. Déjà, de pouvoir jouer un héros de Conrad est un cadeau du ciel. Et qu’il soit en plus adapté par Chantal Akerman, pour qui j’ai joué dans La captive, ça m’a rendu très heureux. Au départ, je ne savais rien du personnage et quand j’ai lu le scénario, j’ai trouvé cela magnifique. C’est tellement bien adapté, tellement intelligent. De toute façon, Chantal m’aurait proposé n’importe quoi que j’aurais accepté!

Q. Avez-vous choisi de lire le roman de Conrad avant d’incarner le rôle de Kaspar Almayer?

R. J’ai posé la question à Chantal qui a haussé les épaules. Par intuition, j’ai senti que ce n’était pas nécessaire de m’en imprégner. Je l’ai lu après le tournage et j’ai vu des images du film en tête, ce qui est très bon signe!

Q. Qu’aimez-vous de votre personnage ?

R. Qu’il soit apatride, qu’il soit chercheur d’or, qu’il ait une fille et que le film raconte l’histoire de l’amour d’un père pour sa fille et vice versa. Ni Chantal ni moi n’avons des enfants et j’ai le sentiment que c’est le genre de sujet en général et bizarrement mieux traité par les gens qui ne savent pas ce que c’est... Un peu comme si vous demandiez à un photographe marocain de photographier Montréal, il verra ça avec son oeil. Je trouve ça plus intéressant. Je parle du point de vue d’un artiste. Il y a une distance, un inconnu... Je ne pense pas que Chantal aurait tourné le film de la même façon si elle avait été maman. Et je ne crois pas que j’aurais joué Almayer de la même manière si j’avais été père.

Q. Il y a quelque chose qui relève du Klondike, de la course malheureuse au trésor dans le film...

R. Déjà, l’endroit où nous étions, à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, dégage ça. Il y a un mystère dans cet endroit. On se demande ce qu’il y a derrière cette jungle et dans cette rivière. Ce n’est pas par hasard si Chantal a choisi cet endroit. Tout est pensé chez elle. Les costumes sont intemporels, etc. Cette façon de faire fait que son cinéma ne vieillit pas. Dans vingt ans, son film sera, je crois, vu de la même façon.

Q. Le film a une connotation colonialiste. Qu’en pensez-vous ?

R. Fatalement! Mon personnage et celui Lingard (Marc Barbé) sont Occidentaux. Il y a quelque chose de la colonisation. Mais pas dans le sens de la masse. Almayer est un indépendant. On ressent cet aspect, mais dans un contexte isolé. Si on prend le décor, la maison, les meubles, ils contrastent avec ce qu’il y a autour de lui. Il y a un aspect colonial dans la maison.

Aujourd’hui, midi, au Quartier latin (salle 13) et demain, 19h15 à l’Impérial.