Révolution ou pas, il faut bien que jeunesse se passe, comme le dit l'expression. Peu importe ce qui se déroule dans les rues, la jeunesse s'exprime, cherche sa place, joue du coude, fait ses coups de gueule, rejette l'autorité parentale et l'ordre établi. Au fond, sans toujours en être pleinement consciente, la jeunesse a son influence, devient vecteur de mécontentement, en temps de révolution. On n'a pas à chercher loin ces jours-ci...

C'est aussi le sentiment qui nous habite à la fin de la projection du film polonais Tout ce que j'aime, de Jacek Borcuch, qui arrive chez nous.

Printemps 1981. Nous sommes en Pologne. La grogne est forte dans les chantiers maritimes de Gdansk où le syndicat Solidarnosc (Solidarité), qui n'a pas un an, en mène large. Les revendications pour plus de liberté et de meilleures conditions de vie vont se répandre dans tout le pays alors que le gouvernement communiste, s'arc-boutant à ses derniers instruments de pouvoir, prépare l'adoption d'une loi martiale mettant le pays en état de siège.

C'est dans ce contexte que Janek (Mateusz Kosciukiewicz) et Basia (Olga Frycz) font connaissance, se plaisent et, oui, tombent amoureux. Un amour malhabile, aux premiers pas hésitants, mâtiné de musique punk et soumis à des conditions propres à de grands déchirements. Parce que, voyez-vous, le père de Janek, militaire sous les ordres du régime totalitaire, risque d'arrêter celui de Basia, militant de Solidarnosc.

Un peu plus et on a le sentiment que cette histoire va s'imprégner d'une grande romance véronaise.

«Oui, je sais. D'autres personnes me l'ont déjà dit. On dirait un Roméo et Juliette des temps modernes», dit en riant la comédienne Olga Frycz, rencontrée au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. «D'autres évoquent une histoire de jeunesse au temps de Solidarnosc. Mais ce n'est pas que cela. Selon moi, ce film raconte une histoire de premières fois. J'ai 25 ans et je n'ai pas connu cette époque. Mais moi aussi, j'ai été adolescente, j'ai eu un premier amoureux, j'ai eu un groupe de musique favori.»

Retenu pour représenter la Pologne dans la course aux finalistes pour l'obtention de l'Oscar du meilleur film étranger en 2011, Tout ce que j'aime nous plonge dans un décor dépouillé et modeste, reflet d'une pauvreté certaine au sein de la population, même chez les nombreux fonctionnaires de l'État. Le bouillonnement politique qui mobilise tout le pays est évoqué de biais, à travers les conversations entre les adultes entourant les nombreux jeunes personnages.

Au moment du tournage, le réalisateur Janek Borcuch a demandé aux comédiens de ne pas retourner dans l'Histoire, de ne pas relire ce qui s'est écrit à propos de cette période. «Il voulait davantage que nous cherchions à approfondir les relations humaines entre les personnages», dit Olga Frycz.

Cette dernière affectionne son personnage qui, derrière son côté frêle, est une battante. «Basia est brave, dit-elle. Elle est forte et très fière de son père, même si elle s'inquiète de le voir emprisonné pour ses convictions.»

En Pologne, le film a connu un beau succès de salle et de critique, remportant plusieurs prix. «Nous sommes allés à Pusan (Corée), Rotterdam et Sundance, dit fièrement Olga Frycz. Mais surtout, beaucoup de jeunes sont allés le voir et nous en ont parlé. Ça, c'est ma fierté.»

Tout ce que j'aime sort aujourd'hui au Cinéma Beaubien.