Le grand public connaît la vie politique à travers le filtre médiatique. Mais comment se passe-t-elle de l'intérieur? Le cinéaste Pierre Schoeller propose une réponse dans le film L'exercice de l'État. Olivier Gourmet y interprète Bertrand Saint-Jean, un ministre français débordé tant par son ambition que par son agenda.

Olivier Gourmet aurait-il aimé avoir la vie de Bertrand Saint-Jean, ministre français des Transports écartelé entre son ambition et les dossiers s'accumulant sur son bureau? Aurait-il aimé cette vie de galère? Éteindre un feu pour en voir trois autres s'allumer?

«Cela va vous paraître suicidaire, mais j'aimerais ça, répond-il. J'aimerais participer politiquement à la construction d'un pays. Je ne dis pas que je serais comme mon personnage. Mais c'est un travail qui ne m'effraierait pas. J'aurais beaucoup de plaisir à prendre conscience de notre monde et à chercher des solutions à ses problèmes.»

Bertrand Saint-Jean est le personnage principal de L'exercice de l'État, deuxième long métrage du cinéaste français Pierre Schoeller (Versailles) qui porte, comme son nom l'indique, sur la vie politique.

Au milieu de la nuit, Bertrand Saint-Jean est réveillé par son chef de cabinet, Gilles (Michel Blanc), qui lui annonce un accident tragique. La chute d'un car dans un ravin a fait plusieurs victimes. Le ministre accourt, tente de réconforter les familles, répond évasivement aux questions des journalistes qui veulent des solutions immédiates. Ça ne s'arrête plus jusqu'à la fin du film.

Présenté cette année à Cannes, le film est arrivé en même temps que deux autres opus sur la politique française, La conquête, de Xavier Durringer, et La paterre, d'Alain Cavalier. Olivier Gourmet n'a pas d'explication à donner à une telle simultanéité, sinon que c'est sans doute «un sujet de société».

Les pieds dans la réalité

Voilà qui tombe bien puisque la proposition répond à ce qu'il cherche en tant qu'acteur. Opposant farouche aux «films formatés», M. Gourmet, qu'on a vu dans Congorama de Philippe Falardeau, dit vouloir incarner des personnages crédibles et concrets.

«À travers les rôles, je prends mon plaisir à me retrouver au plus près de la réalité sociale d'aujourd'hui, dit le comédien, rencontré en octobre au Festival international du film francophone de Namur, où son film a remporté le prix du meilleur scénario. Je veux me sentir près de vrais faits de société, de vrais personnages, de vraies émotions. C'est ce qui m'attire et m'intéresse.»

Il qualifie son personnage de très complexe. Bertrand Saint-Jean, dit-il, est tiraillé entre son ambition citoyenne et son ambition personnelle, nourrie par l'attrait des plus hautes instances du pouvoir. «C'est ce qui fait l'ambiguïté du personnage, pour lequel on peut avoir une empathie en même temps qu'on le déteste, dit-il. La plupart des hommes politiques nourrissent ces deux ambitions en même temps.»

M. Gourmet, qui a joué dans plus de 60 films, interprète ici un politicien pour la première fois. Or, au moment de notre rencontre, il se préparait à retourner dans le même créneau en participant au tournage de Henault président, de l'humoriste Michel Muller. Il s'agit d'une comédie burlesque sur la politique française tirée de capsules que Muller a faites pour la chaîne Paris Première, affiliée à M6.

Le film sortirait juste à temps pour l'élection présidentielle de mai 2012.