Les Américains en sont fous. Dans les magazines spécialisés, le Hollywood Reporter notamment, on estime que la nomination aux Oscars de Jean «Doujarwdin» dans la catégorie du meilleur acteur ne serait plus qu'une formalité. Et The Artist, le film dans lequel l'acteur incarne la star du cinéma muet George Valentin, devrait aussi faire partie des favoris dans les catégories de pointe lors de la prochaine grand-messe hollywoodienne.

L'ascension est d'ailleurs commencée. Cette semaine, The Artist a été sacré meilleur film de l'année par le Cercle des critiques de New York, et a obtenu pas moins de cinq nominations aux Independent Spirit Awards. À vrai dire, la rumeur à propos de The Artist et de ses artisans n'a cessé de s'amplifier depuis ce jour de printemps où, au Festival de Cannes, la présentation de ce film muet en noir et blanc, réalisé par le Français Michel Hazanavicius, fut chaleureusement accueillie. Dès lors, le nabab Harvey Weinstein a promis de faire de The Artist l'un de ses films phares de l'année.

Rencontré au Festival de Toronto, alors que s'amorçait la carrière nord-américaine du film, Jean Dujardin gardait pourtant la tête bien froide.

Une année féconde

«Je ne me suis pas vraiment rendu compte de tout ça, car je tournais déjà un autre film, explique-t-il. Pour être honnête, je n'ai pas vraiment envie que ma vie change. Je ne suis pas en attente d'une carrière américaine; je ne suis en attente de rien, en fait. Évidemment, le prix à Cannes m'a fait très plaisir. D'autant que je suis monté sur la scène du Théâtre Lumière avec l'intention ferme de bien profiter de ce grand moment de bonheur.»

Le laurier cannois est venu couronner une année particulièrement féconde pour l'acteur sur le plan cinématographique. Jean Dujardin s'est d'abord fondu avec aisance dans l'univers singulier de Bertrand Blier grâce au Bruit des glaçons. Il s'est ensuite glissé dans la peau d'un homme blessé de l'intérieur dans Un balcon sur la mer (Nicole Garcia) pour finalement se retrouver dans le Hollywood des années 20 à danser les claquettes.

«Cela me ressemble beaucoup, dit-il. J'aime varier les plaisirs, les univers, aller là où l'on ne m'attend pas nécessairement. Il n'y a pas de calcul. J'y vais selon mon instinct et mes envies. Quand je lis un scénario, je suis avant tout un spectateur. Si l'histoire me touche, j'y vais.»

Contrairement à certains acteurs, qui peuvent donner leur accord à un cinéaste sur la foi d'une ancienne collaboration ou d'une réputation, Jean Dujardin exige un scénario avant de plonger.

«Je ne fais jamais un film pour une personne; je fais un film parce que le projet me plaît. Après, il est certain qu'on développe des affinités.»

Michel Hazanavicius et Jean Dujardin partagent évidemment l'aventure OSS 117 (Le Caire, nid d'espions et Rio ne répond plus). L'acteur fut quand même surpris quand le réalisateur lui a soumis l'idée d'un film muet en noir et blanc dont le cadre serait celui du cinéma hollywoodien de la fin des années 20. Le récit s'attarde à décrire le parcours d'une star du cinéma muet qui sombrera dans l'oubli presque du jour au lendemain quand arrivent les films parlants. Et qui voit la carrière d'une jeune starlette (Bérénice Bejo) démarrer en flèche.

«Michel aime la nostalgie au cinéma, mais j'avoue avoir quand même trouvé son idée un peu farfelue au départ, concède l'acteur. Mais il était tenace! J'ai lu le scénario et j'ai été fort intéressé. J'ai dit à Michel que j'étais bien prêt à rêver avec lui, mais qui diable va nous appuyer dans cette démarche? La rencontre avec le producteur Thomas Langmann fut déterminante. C'est grâce à lui si The Artist existe aujourd'hui.»

Une expérience unique

À partir du moment où le feu vert a été donné, l'acteur s'est «rassuré» en se nourrissant beaucoup du cinéma des années 20 et 30. Il s'est aussi mis à l'apprentissage de la danse à claquettes. «Tout y est joué au premier degré, fait-il remarquer. On se laisse porter par l'émotion brute.»

Pour vivre à plein l'expérience, Jean Dujardin a refusé de voir le film avant sa présentation au Festival de Cannes. «Je n'avais pas encore vu The Artist dans sa forme finale, mais je savais quand même que Michel ne l'avait pas raté, parce que même s'il est très accessible, ce film lui est très personnel. J'ai vécu un moment formidable, un vrai plaisir de spectateur!»

Depuis The Artist, Jean Dujardin a tourné Les infidèles, un film à sketches dans lequel il participe au segment réalisé par l'acteur Gilles Lellouche. Il sera aussi la tête d'affiche de Mobius, un film d'espionnage réalisé par Éric Rochant.

Jean Dujardin devra sans doute aussi prévoir une petite escale à Hollywood aux alentours du 26 février.

«Les Oscars, je ne peux rien dire là-dessus. Ce sont les gens qui parlent, pas moi!»

The Artist prend l'affiche le 9 décembre.