Après huit ans à Hollywood, Bibo Bergeron est rentré chez lui pour y concevoir un film d'animation très français d'esprit. Vanessa Paradis, Mathieu Chédid (M) et Gad Elmaleh sont de l'aventure.

Quand il a été recruté par les studios Dreamworks, Éric «Bibo» Bergeron a promis à son associé, Pascal Chevé, avec qui il avait fondé le studio d'animation Bibo Films il y a près de 20 ans, qu'il rentrerait en France dès qu'il accrocherait un succès à son palmarès.

«Il m'aura fallu huit ans pour que ça arrive, explique-t-il au cours d'une interview accordée à Paris. Le premier film que j'ai coréalisé là-bas, The Road to Eldorado, fut un succès mitigé en comparaison des résultats qu'obtiennent habituellement les films d'animation produits par les grands studios américains. Le second, Shark Tale, fut un vrai succès. J'ai ainsi pu rentrer chez moi!»

Dès son retour à Paris, au milieu des années 2000, le cinéaste a partagé son idée de film avec le chanteur et compositeur Mathieu Chédid. Les chansons de M ont en effet meublé plusieurs moments au cours desquels le réalisateur français a souffert du mal du pays pendant son aventure hollywoodienne. Il souhaitait que M prenne en charge l'aspect musical de son film. Et qu'il prête sa voix à l'un des personnages.

«J'ai acquis une expérience formidable auprès des géants de l'industrie, fait valoir Bibo Bergeron. Mais je me voyais mal revenir chez moi et tenter de monter un projet semblable à ceux que produisent les Américains. Je voulais faire un film très personnel avec des intentions artistiques qui me tiennent à coeur. Quand on travaille à Hollywood dans le domaine de l'animation, on met son talent au service du studio. On fait le bon soldat. C'est ainsi que le système fonctionne et il donne à l'évidence de bons résultats. Avec Un monstre à Paris, je ne disposais peut-être pas des mêmes moyens financiers, mais j'avais en revanche une liberté créatrice totale.»

Un hommage

Tout en gardant à l'esprit l'idée d'un film destiné à toute la famille, Bibo Bergeron a voulu rassembler dans une même histoire un hommage romantique à la Ville lumière et des éléments rappelant le cinéma d'épouvante.

Campé en 1910, au moment où la Seine inonde ses quais, le récit décrit le petit monde de L'oiseau rare, un cabaret de Montmartre autour duquel gravitent notamment Lucille (Vanessa Paradis), jolie chanteuse au caractère bien trempé, Raoul (Gad Elmaleh), bricoleur adepte du système D, et Francoeur (M), petite puce victime d'une expérience douteuse...

«J'adore cette époque, souligne l'auteur cinéaste. Tout était en ébullition. Sur tous les plans: scientifique, technologique, artistique. Cette époque me permettait non seulement de dessiner des personnages hauts en couleur, mais j'ai aussi pu m'amuser sur le plan du style. J'ai suivi les codes narratifs du «film de monstre», qui vont du Fantôme de l'opéra jusqu'à King Kong en passant par Frankenstein, mais je me suis aussi beaucoup inspiré des impressionnistes sur le plan visuel. Je voulais proposer à l'arrivée un film tendre et humaniste, dans lequel il n'y aurait pas le moindre élément gore. Il n'était pas question d'effrayer les enfants!»

Quelque chose de l'enfance

Si Mathieu Chédid et Vanessa Paradis ont suivi le projet depuis le tout début, Gad Elmaleh est arrivé au moment où le film était pratiquement terminé.

«Avant même l'histoire, c'est la physionomie du personnage qui m'a séduit, explique l'acteur humoriste. Bibo m'a montré un croquis et j'ai trouvé que ce Raoul collait bien à ma personnalité! J'aime aussi beaucoup le caractère distinctif de ce film, très différent des productions hollywoodiennes. Et puis, quand on est parent, un projet comme celui-là nous ramène directement à quelque chose de l'enfance.»

Elmaleh avait déjà eu l'occasion de prêter sa voix à des personnages animés (The Bee Movie, Despicable Me), mais il a particulièrement apprécié son travail avec Bibo Bergeron.

«Il s'agit d'un travail très solitaire, dit-il. Je n'ai pratiquement pas vu Vanessa ni M pendant l'enregistrement. Nous avons toutefois eu l'occasion de discuter lors de la sortie du film, alors que nous nous sommes retrouvés ensemble sur des plateaux de télévision. Cela dit, il est jubilatoire de se mettre au service d'une oeuvre déjà existante, et sur laquelle on peut ajouter sa propre couleur.»

La décision d'utiliser la technologie 3D, plus onéreuse, a par ailleurs été prise en cours de production. «Des bailleurs de fonds nous ont signifié leur intérêt assez rapidement, explique l'auteur cinéaste. Nous avons donc disposé de moyens assez conséquents pour nous permettre de concevoir finalement le film en relief. Une carrière internationale est envisageable. Nous avons d'ailleurs réalisé aussi une version en anglais avec Vanessa, Sean Lennon et Adam Goldberg. Cela dit, je ne voulais pas d'un 3D tape-à-l'oeil ou trop distrayant. Je tenais à ce qu'il y ait une vraie douceur dans ce film.»

Un monstre à Paris prend l'affiche le 24 février. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.