L’acteur et scénariste Jean-Pierre Bergeron a reçu La Presse dans sa résidence de Palm Springs, en Californie, où il se retire pour pouvoir écrire. Ces jours-ci, l’inspiration ne manque pas.

Dans l’entrée de sa maison de Palm Springs, Jean-Pierre Bergeron a installé une horloge arrêtée. Cette année, les aiguilles indiquent 6 h.

« J’ai eu 60 ans, alors c’est 6 h, dit-il en riant. Je l’avance d’une heure par année... Ça peut sembler morbide, mais, pour moi, c’est une façon de prendre une mesure de la vie qui passe. »

La vie qui passe a récemment provoqué beaucoup de bouleversements dans la vie de Jean-Pierre Bergeron. L’automne dernier, l’acteur a décidé de sortir du placard. L’une des plus grandes décisions de sa vie.

« Au début de ma carrière, j’avais décidé de ne jamais dévoiler publiquement mon orientation sexuelle. Jamais. La simple idée d’en parler me terrifiait, dit-il. J’avais tracé une limite entre ma vie publique et ma vie privée. Il aurait été impensable de recevoir un journaliste chez moi.

Écriture libérée

Ces jours-ci, Jean-Pierre Bergeron travaille à l’écriture de son premier long métrage intitulé Flowers. Son premier court métrage, Alone with Mr. Carter, qui raconte l’histoire d’un jeune garçon secrètement amoureux d’un homme de 65 ans, a été présenté récemment aux Rendez-vous du cinéma québécois. M. Bergeron écrit également deux séries télé, l’une en anglais, l’autre en français, en plus de préparer des rôles pour la télé québécoise.

Ces projets d’écriture semi-autobiographiques sont un fait récent. Plus jeune, Jean-Pierre Bergeron aimait écrire, mais il a déposé sa plume en même temps qu’il a décidé de taire son orientation sexuelle. « Mon écriture aurait forcément abordé le thème de l’homosexualité, et je n’étais pas prêt à cela. »

M. Bergeron dit avoir été impressionné quand le comédien Yves Jacques et l’animatrice Ellen DeGeneres sont sortis du placard, il y a plusieurs années. « Je voyais des gens que j’admirais et qui assumaient publiquement leur identité. Ça m’a frappé. »

Dans son cas, c’est un « immense réservoir de honte accumulée » qui l’empêchait d’en faire autant : l’intimidation à l’école durant sa jeunesse et le fait que personne autour de lui, à l’époque, n’affichait ouvertement son homosexualité.

M. Bergeron n’est pas encore tout à fait à l’aise avec ces sujets, mais il accepte d’en parler. « À 60 ans, je sais que je ne suis pas une victime. Je suis une règle simple : celle de vivre sans regrets. »

Aventure américaine

Depuis 13 ans, Jean-Pierre Bergeron passe plusieurs mois par année aux États-Unis. Son père est né au Massachusetts et il a la double nationalité.

Sa résidence Mid-Century de Palm Springs est située dans un quartier tranquille. À la fin des années 90, M. Bergeron est venu à L.A. pour travailler à l’écran, après avoir joué dans Free Money, à Montréal, avec Marlon Brando. « Bien des gens pensent que je suis parti à la conquête de L.A., mais ça n’a jamais été mon intention, dit-il. J’avais tout simplement envie de quelque chose de nouveau. »

M. Bergeron a pris des cours pour parfaire son accent anglais et a joué dans des séries, dont The Young and the Restless. Il a décroché quelques rôles de soutien, en plus de faire des voix pour divers projets.

« J’ai fait ça durant quatre ans. Je pouvais bien gagner ma vie, mais j’ai réalisé que, si je voulais aller au bout de mon aventure, je devais monter mes propres projets. »

Depuis qu’il est sorti du placard, M. Bergeron dit avoir été approché pour des rôles à la télé, au Québec. Cela le rassure. « Les décideurs ne m’ont pas oublié. »