Le deuxième long métrage de Jalil Lespert à titre de réalisateur est une adaptation d’un roman d’Olivier Adam. Benoît Magimel en est la tête d’affiche.

À l’âge de 23 ans, Jalil Lespert a obtenu un premier rôle principal au cinéma. Sous la direction de Laurent Cantet, le jeune acteur a pour ainsi dire fait ses débuts dans Ressources humaines. Six ans plus tard, il prêtait ses traits au journaliste recueillant les confidences du président François Mitterrand dans Le promeneur du Champ de Mars, adaptation cinématographique du récit de Georges-Marc Benamou, réalisée par Robert Guédiguian.

S’il propose aujourd’hui Des vents contraires, son deuxième long métrage à titre de réalisateur, Jalil Lespert n’est reste pas moins acteur.

« Quand je choisis de me consacrer à la réalisation, je dois forcément m’effacer,
a-t-il confié récemment au cours d’une interview à Paris. Surtout, je ne me vois pas jouer un personnage dans un film dont j’assure la réalisation. Mais je ne suis pas prêt à dire que le cinéaste a pris le pas sur l’acteur. J’aime encore jouer. Je m’apprête d’ailleurs à enchaîner deux premiers films [comme interprète]. »

Autodidacte, Jalil Lespert a senti monter en lui des envies de réalisation au tournant de la dernière décennie.

« C’est à cette époque qu’est arrivé le Dogme, explique-t-il. Lars Von Trier a lancé ce mouvement et ça m’a enthousiasmé. On s’est alors rendu compte qu’il était possible de tourner des films intéressants avec des caméras légères, sans artifices, sans grands moyens non plus. Moi qui aime avant tout le travail avec les comédiens, j’y voyais une façon de travailler avec eux de manière ludique, parfois même en improvisant. Dès mon premier court métrage, j’ai trouvé un vrai désir de création. Ce fut déterminant. »

Une chance inouïe

Après 24 mesures, coproduit en partie au Québec, Jalil Lespert a eu du mal à trouver une idée de réalisation enthousiasmante à ses yeux.

« C’est probablement l’aspect le plus difficile, précise-t-il. Il faut se fixer sur une idée. Même s’il n’a pas attiré beaucoup de spectateurs,

24 mesures fut très bien accueilli par les critiques et le milieu du cinéma en général. Mais j’étais en panne d’écriture. Par une chance inouïe, Olivier Adam a vu mon premier long métrage et il m’a offert d’adapter son roman pour le cinéma. Jusque-là, ses livres avaient été magnifiquement transposés au grand écran. Philippe Lioret a fait de Je vais bien, ne t’en fais pas et de Welcome de grands films. Le roman qu’Olivier m’a donné à lire m’a vraiment ému. Et il contenait un ressort dramatique formidable : où est passée cette femme que plus personne ne retrouve ? »

Dans Des vents contraires, Benoît Magimel forme avec Audrey Tautou un couple apparemment sans histoire. Sarah est médecin ; Paul est écrivain. Après la publication d’un premier à roman à succès, Paul est en panne d’inspiration. Sa « non-productivité » commence à peser lourd dans l’équilibre familial. Un jour d’engueulade, Sarah part faire son quart de travail. Elle ne se rend jamais à l’hôpital. La vie de Paul et de ses deux jeunes enfants bascule du jour au lendemain. Pour tromper le destin, Paul va s’installer avec sa petite famille à Saint-Malo, sa ville natale.

« 24 mesures parlait des fils, des filles et des comptes à régler avec l’enfance, explique Jalil Lespert. Dans Des vents contraires, je me place de l’autre côté, c’est-à-dire celui des parents. Qui font du mieux qu’ils peuvent. Je voulais éclairer l’obscurité de l’intérieur. Même si j’ai essayé de féminiser un peu le récit, notamment en transformant le personnage de flic en femme – Isabelle Carré –, ma vision reste très masculine. On se fait toujours rattraper par sa nature ! »

Magimel à l’évidence


Pour incarner son antihéros, Jalil Lespert a fait appel à Benoît Magimel. L’acteur était de la distribution de 24 mesures.

« Inexorablement, Benoît m’est venu à l’esprit, fait remarquer le cinéaste. Je dis "inexorablement", car j’ai tenté d’aller au-delà de l’évidence. Dès l’étape de l’écriture, j’ai pensé à Benoît, mais je le trouvais trop jeune pour le personnage. J’ai donc essayé d’écrire en n’imaginant personne dans le rôle de Paul. J’ai ensuite rencontré quelques acteurs plus âgés, mais ça ne collait pas. Puis je me suis dit qu’il fallait me rendre à l’évidence : non seulement Benoît était parfait pour le rôle, mais nos parcours professionnels se ressemblent. Nous avons appris sur le tas tous les deux. Notre rapport est excellent et nous partageons une même communauté d’esprit. »

Récemment, Jalil Lespert a tourné sous la direction du cinéaste chinois Lou Ye. Dans Love and Bruises, l’acteur donne en outre la réplique à Tahar Rahim.

Des vents contraires prend l’affiche le 30 mars.
Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.