Plus de 50 ans après la célèbre adaptation d'Yves Robert, Yann Samuell reporte à l'écran le roman de Louis Pergaud en campant l'intrigue à la fin des années 50.

Dans l'esprit d'à peu près tout le monde, La guerre des boutons évoque d'abord et avant tout le célèbre film d'Yves Robert, lancé au tournant des années 60. Le réalisateur Yann Samuell, à qui l'on doit notamment Jeux d'enfants, a d'ailleurs beaucoup hésité avant d'accepter de tirer une nouvelle adaptation cinématographique du roman de Louis Pergaud, duquel Yves Robert s'était déjà inspiré à l'époque.

«Ce n'est pas une proposition qu'on accepte d'emblée, a-t-il révélé récemment au cours d'une interview accordée à La Presse à Paris. Oh que non! J'ai eu très peur. Au moment où le producteur Marc Du Pontavice m'a fait cette proposition, j'avais franchement envie d'autre chose que de diriger des enfants sur un plateau. Je ne voulais pas non plus faire un remake d'un film qui existe déjà et qui, plus de 50 ans après sa sortie, est toujours aussi apprécié, même auprès des plus jeunes générations. Jamais je ne voudrais faire ombrage au film d'Yves Robert.»

L'auteur cinéaste s'est donc mis à la lecture du bouquin, publié à la fin du XIXe siècle. Dans cette guerre sans merci que se livrent depuis des générations de jeunes garçons de deux villages voisins, il y a trouvé des thèmes encore d'actualité. Pour valider son impression, Yann Samuell a consulté ses cinq enfants, alors âgés de 4 à 17 ans. Ils se sont montrés très enthousiastes.

«C'est à ce moment-là que j'ai accepté, précise-t-il. J'avais envie de faire écho à travers ce film à une liberté de l'enfance qui n'existe plus de nos jours. J'ai eu la chance de grandir dans un village de Bourgogne, et d'appartenir à l'une des dernières générations où les enfants pouvaient vivre des expériences de leur côté pendant quelques heures sans que les parents s'inquiètent. Aujourd'hui, l'enfance est très encadrée.»

Une vision plus contemporaine

À l'étape de l'écriture, l'une des plus grandes difficultés auxquelles l'auteur a eu à faire face a été de trouver l'époque dans laquelle camper l'intrigue. «L'époque dans laquelle se déroule le roman est aujourd'hui trop anachronique. Transposer l'histoire à notre époque n'aurait pas pu fonctionner non plus, je crois. J'ai choisi la fin des années 50, car elle annonçait tous les bouleversements sociaux à venir. Avec le lancement de Spoutnik par les Russes, la vie a basculé d'un monde où la terre est immense à celui où elle devient toute petite!»

Autre transformation sociale majeure: la place de la femme dans la société. Yann Samuell a fait d'un personnage à peine mentionné dans le roman l'un des protagonistes du film. La petite Lanterne, interprétée par Salomé Lemire, occupe ainsi un poste stratégique de choix aux côtés des garçons.

«Cela revêtait une grande importance à mes yeux, explique le réalisateur. Si la grande histoire féministe s'est écrite au cours des années 60 et 70, c'est parce qu'il y en a plein de plus petites qui l'ont aidé à se construire auparavant. Celle de la petite Lanterne en fait partie.»

La guerre de «La guerre» ...

Yann Samuell travaillait son adaptation depuis deux ans déjà quand il a appris qu'une autre version, produite par la société que dirige Thomas Langmann (The Artist), était aussi mise en chantier. Une guerre médiatique peu reluisante s'est jouée en France entre La nouvelle guerre des boutons, réalisée par Christophe Barratier (Les Choristes), et le film de Yann Samuell. Cette «guerre de La guerre des boutons», telle que baptisée dans les journaux là-bas, s'est jouée un peu au-dessus des têtes des réalisateurs.

«J'ai appris l'existence de l'autre projet bien après que le nôtre fut déposé. Nous étions alors en décembre 2010. L'autre équipe a terminé son scénario en janvier 2011. Je me suis dit qu'il était impossible de monter un projet de A à Z en six mois, mais eux, ils l'ont fait! De sorte que les deux films se sont retrouvés sur les écrans à une semaine d'intervalle.

«Je n'ai pas voulu me laisser distraire, poursuit-il, car de mon côté, j'ai toujours fait le film dont j'avais rêvé, sans précipiter les choses d'aucune manière. Je me sentais aussi investi d'une certaine légitimité, car notre projet avait été annoncé bien avant. Néanmoins, ce ne fut pas facile tous les jours. Les acteurs adultes de mon film - Mathilde Seigner, Alain Chabat, Éric Elmosnino, etc. - se faisaient aborder par la concurrence et se voyaient faire offrir des sommes colossales pour renoncer à mon projet. Les banquiers flippaient. Bref, on a eu droit à du grand bas de gamme. Et les avocats ont eu beaucoup de travail.»

Les deux films se sont cannibalisés. S'ils ont quand même fait un score honorable chacun de leur côté, il reste que cette guerre aura laissé des marques. Au Québec, la version de Barratier prendra l'affiche au cours de l'été.

Pour l'heure, Yann Samuell estime avoir terminé un cycle. Même s'il a trois projets en tête, il compte souffler un petit moment afin de bien réfléchir.

«Il y a un avant et un après La guerre des boutons, tant sur le plan professionnel que personnel. J'ai envie de faire quelque chose de complètement différent. C'est dire que mon prochain film ne sera ni une comédie romantique, ni un film avec des enfants!»

La guerre des boutons prend l'affiche le 20 avril.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.