Les statistiques sont éloquentes. Les images effarantes. Les campagnes publicitaires percutantes. Sauf que la réalité ne change pas beaucoup. Jeunesse, alcool et vitesse font un très mauvais mélange sur les routes. Mais avant de juger, les adultes d'aujourd'hui devraient regarder leurs propres comportements et se souvenir des jeunes qu'ils ont été. Et si la solution venait d'eux et de leurs enfants? demande Paul Arcand dans son documentaire Dérapages.

Lorsque Paul Arcand a joint les parents de Mikaël Borduas afin qu'ils racontent leur vie depuis l'accident dont le jeune homme dans la vingtaine a été victime, ils ont donné leur accord, mais à une condition.

«Ils m'ont dit: "Tu montres tout", raconte Paul Arcand. De voir Mikaël crier dans le film ne constitue pas un épisode dans sa vie. C'était tous les jours.»

Après deux traumatismes crâniens, Mikaël Borduas, 24 ans, ne fait pas que crier. Il traite sa mère de «crisse de conne», rechigne lorsqu'on le fait manger, se voit parqué dans un CHSLD où il s'endort devant la télévision, entouré de personnes âgées. «Chus déjà mort», dit-il à un moment qui semble d'une grande lucidité. On verra plus tard dans le film que la mort aura effectivement réussi à rattraper Mikaël.

Ces images tournées par M. Arcand vous restent à travers le coeur. «Chez les gars qui ont vu mon film avant la sortie, les images de Mikaël sont les plus marquantes, dit le réalisateur. De voir quelqu'un devenir ainsi totalement dépendant des autres a marqué leur imagination.»

Entre les grèves étudiantes et les frappes de l'Unité policière anticorruption, il était assez difficile de rater la sortie du documentaire Dérapages, un des gros buzz médiatiques de la semaine. Résumons tout de même le propos du film qui sortira dans plus de 60 salles au Québec.

Consacré au rapport qu'ont les jeunes avec l'alcool et la vitesse au volant, Dérapages s'attarde aux conséquences de ces liaisons dangereuses: accidents de la route d'une rare violence, morts, blessés graves, vies brisées chez les proches des victimes et une inconscience endémique faisant que malgré tout, on se croit invincible. Beaucoup de témoignages (et d'images) sont percutants et troublants.

M. Arcand affirme qu'il n'a pas voulu jouer au connaisseur ni inviter des experts - exception faite de Jacques Villeneuve - à se prononcer sur le sujet. Il préfère laisser toute la place à ses sujets. C'est pourquoi, dans le dernier tiers de son film, quelques jeunes expriment une certaine frustration envers les conducteurs plus âgés qui ont oublié leurs comportements passés. «Mon père conduisait avec une bière entre les jambes», dit l'un d'eux.

Même chose pour les solutions. Celles présentées sont formulées par quelques jeunes interviewés. L'un d'eux propose de faire passer de 16 à 18 ans l'âge minimum pour conduire. Un autre suggère de hausser de trois mois à un an la suspension du permis de conduire. «Ces jeunes ne veulent pas payer pour ceux qui ont des comportements stupides», dit l'animateur et documentariste en entrevue.

Faire payer le fautif
Ce dernier a ses propres idées sur la question. Il met par exemple en question cet aspect de la loi faisant que peu importe la nature d'une infraction au Code de la sécurité routière, l'amende maximale pour un jeune de moins de 18 ans est de 100$. «L'idée derrière ça est de faire payer le fautif, pas que le parent paie à sa place», dit le cinéaste, qui s'étonne tout de même de la mesure.

Après Les voleurs d'enfance et Québec sous ordonnance, Paul Arcand signe ici son troisième documentaire. Tous trois ont été produits par Denise Robert de Cinémaginaire. «Paul est un homme extrêmement humble. Il est travaillant et exigeant, dit la productrice. C'est quelqu'un qui a compris le pouvoir de la caméra. Et comme cinéaste, il a pris de la maturité. Il a beaucoup appris de la technique et il était très présent dans la salle de montage.»

Dérapages sort en salle le 27 avril.