Nathalie Baye a rejoint l’univers du Canadien Xavier Dolan, benjamin de la sélection cannoise à 23 ans, expliquant que seul le talent des metteurs en scène «détermine son désir».

Dans Laurence Anyways, présenté en section Un certain regard vendredi, elle joue la mère d’un jeune professeur de Lettres, Melvil Poupaud, qui décide à 35 ans de changer d’identité sexuelle.

Q: Comment vous êtes-vous retrouvée chez Xavier Dolan?

R: Il m’a fait passer son scénario alors que je me trouvais à Montréal pour un festival et j’ai été emballée. C’est un jeune cinéaste incroyablement talentueux, plein d’audace et intelligent.

Cette mère que je joue n’a jamais été vraiment bien avec son fils, sans doute parce qu’il n’était jamais bien non plus avec lui-même. C’est une femme névrosée, entrée en vieillesse trop vite: mais quand son fils lui annonce qu’il veut devenir une femme, elle l’entend.

Et quand il devient enfin ce qu’il est, au plus profond d’elle-même elle va mieux elle aussi.

Q: Vous tournez beaucoup de premiers films, ou avec des jeunes gens: c’est régénérant?

R: J’aime bien travailler avec de jeunes réalisateurs mais là, à 22 ans (lors du tournage), Xavier Dolan a clairement la Palme! Pour moi ce n’est pas l’âge qui détermine le désir de tourner: le réalisateur peut bien avoir 75 ans, ou 23, c’est avant tout son univers, son talent, sa personnalité, ainsi que le scénario, un ensemble de choses qui entrent en ligne de compte. Certains réalisateurs de 70 ans sont d’une jeunesse...!

L’âge, on l’a en soi. C’est la magie de ce métier, et un vrai privilège justement, que de pouvoir travailler avec des personnes de tous les âges, qu’ils aient 15 ans ou 96, comme Gisèle Casadesus. Il n’y a pas de frontière.

Q: On vous voit sans cesse à l’écran, vous semblez inoxydable là où tant de femmes disparaissent:

R: La seule façon de garder le désir de ce métier, c’est le soin qu’on porte aux projets, faire des choses différentes avec des personnalités différentes dans des univers différents.

Le seul danger, c’est d’accepter des films que vous ne désirez pas, qui ne suscitent pas d’enthousiasme, ou pour de mauvaises raisons. Penser que ça peut «faire un carton», ce qui une idée idiote parce qu’on ne sait jamais ce qui marchera ou pas.

Pour garder le désir, c’est comme en amour: il faut faire attention à ce qu’on fait. Or il y a beaucoup de scénarios difficiles à lire jusqu’au bout. Sur dix, disons qu’on en compte un de pas mauvais...

Le cinéma fait rêver beaucoup de gens, mais c’est difficile un bon scénario: on en reçoit souvent qui sont comme des bouteilles à la mer, lancés en espérant qu’ils feront un film.