C'est une oeuvre thérapeutique que présente le cinéaste montréalais Tony Asimakopoulos avec Fortunate Son, son second long métrage, mais premier documentaire. Une oeuvre difficile à définir, entre le documentaire et l'essai cinématographique, dans laquelle il se met en scène, lui le fils unique d'immigrés d'origine grecque qui cherche à mieux comprendre la relation qu'il entretient avec ses parents, puis avec sa future épouse.

Après avoir vu Fortunate Son, on a moins envie de discuter cinéma que de la vie, tout simplement. Vous allez mieux, Tony? Et comment se porte votre mère? «Bien, malgré tout. Elle est bouleversée depuis le décès de mon père, c'est compréhensible.»

Cela fait presque un an que son père Menis s'est éteint. Et trois ans depuis la fin du tournage de son film. «Après mon mariage avec Natalie, je n'ai plus tourné d'images. Elle ne voulait plus. J'ai dû me mettre au montage - ce qui n'était pas une mauvaise chose, cela dit -, sans trop savoir d'ailleurs comment j'allais vers cette histoire.»

C'est beaucoup la sienne, son histoire, qui se révèle à travers les interactions avec son père, sa mère Vassili, sa blonde Natalie. Celle d'un fils unique né dans cette famille grecque et pieuse, qui a fait ses études en cinéma à Concordia, sans doute un peu pour essayer de comprendre ce qui l'habitait et pouvoir le mettre en images.

La rage a eu le meilleur de lui, pendant un temps. Il a quitté Montréal, sombré dans la dépression et les drogues dures, avant de rentrer au bercail.

«Vivre avec ses parents à 35 ans, l'impression d'être un raté, c'est dur, dit le réalisateur. Ce film est devenu un exutoire, mais là n'était pas l'idée de départ. À la base, je voulais simplement faire un court métrage sur mes parents. Et un peu par rapport à moi-même, parce que ma mère m'a raconté comment elle et mon père ont vécu lorsqu'ils ont découvert que j'étais drogué. J'y voyais une lutte entre la foi, l'espoir et le désespoir. Je croyais que c'était une histoire qu'il me fallait filmer, pour pouvoir aider d'autres familles.»

Au fil du tournage, il a tourné sa caméra vers lui-même, «parce que, chaque fois que j'interviewais mes parents, nous finissions toujours par nous disputer. J'ai réalisé que c'était autant un film sur mes parents que sur moi et mon rapport aux autres. Si bien que j'ai filmé, filmé, sans savoir m'arrêter.»

Docuvérité fragile

Des heures d'images avec quatre principaux personnages, tous un peu enrôlés de force dans ce docuvérité fragile et touchant. On vit un voyage en Grèce avec la famille et Natalie, puis l'angoisse de la nouvelle de la maladie du père, jusqu'aux remises en question de la vie de couple. Le film se termine par la cérémonie de mariage de Tony et Natalie, «qui est devenue le point central de l'histoire, pas seulement de mon point de vue, mais aussi pour mes parents qui l'adorent».

Le réalisateur reconnaît qu'il est étrange de devoir parler d'une oeuvre sans avoir la distance nécessaire. «Faire un film sur soi-même, c'est difficile, et je ne le recommande à personne! J'ai aussi du mal à parler de ce film - j'ai plus de plaisir à entendre les réactions qu'à d'essayer de le défendre. En même temps, lorsque je vais voir une fiction, je veux croire aux personnages, pouvoir leur parler une fois le film terminé. Avec mon film, c'est possible.»