Après un demi-siècle d'une carrière hors normes, Catherine Deneuve garde un appétit intact pour des horizons inexplorés, comme le cinéma indien qu'elle est venue découvrir à Bombay. Mais sa curiosité s'accommode mal d'une nouvelle demande de ses admirateurs: la capturer sur leurs écrans pour des selfies.

«Tout le monde veut faire ces choses horribles appelées selfies», assure la star française lors d'un entretien, en anglais, à l'AFP à Bombay.

«Je pense que c'est horrible, un selfie. Je me demande bien ce qu'ils en font ensuite», dit celle qui fut la cible des paparazzis avant d'être exposée à la soif d'images de ses fans voulant se prendre en photo avec elle sur leur téléphone intelligent.

La star française, qui aura 71 ans la semaine prochaine, a été invitée dans la capitale indienne du cinéma pour recevoir un prix pour l'ensemble de sa carrière à l'occasion d'un festival.

Tirant sur une cigarette fine sur le canapé de sa suite, elle exprime des sentiments mitigés pour ce type d'hommage, «agréable» tout en pouvant parfois ressembler à un «enterrement de première classe».

À Bombay, elle conduit la délégation française pour le septième Rendez-vous with French cinema organisé pour promouvoir le cinéma hexagonal.

Pour la première fois cette année, UniFrance films organise des projections spéciales pour essayer de vendre des productions françaises à des producteurs de Bollywood, un débouché lucratif pour les films étrangers. Et la présence de Deneuve peut visiblement aider.

«Quand j'arrive dans certains pays, je suis considérée comme un symbole français (..) une femme blonde française», dit-elle en éclatant de rire.

«Un cinéma si différent»

L'actrice aux plus de 100 films reconnaît ne pas avoir vu beaucoup de films indiens. Mais elle se dit «curieuse» et n'écarterait pas l'idée de jouer dans une production indienne.

«Ce cinéma est si différent. Ils adorent les histoires romantiques, la danse», dit-elle.

«Je suis sûre qu'il existe de jeunes metteurs en scène qui font autre chose que des contes de fée ou des comédies musicales, mais je n'ai pas encore eu la chance de les voir».

Elle est plus familière de séries américaines comme Breaking BadHomeland et House of Cards, et apprécie les actrices anglo-saxonnes Cameron Diaz, Kate Winslet et Kirsten Stewart.

Mais elle assure ne pas chercher pour autant à être plus présente aux États-Unis.

«On m'a fait des propositions que je ne pensais pas plus intéressantes que ce que je tourne en Europe, et il n'y a pas de raison pour moi d'aller tourner en Amérique juste parce que c'est en anglais».

Alors que les actrices de son âge se plaignent du manque de rôles à Hollywood, Catherine Deneuve estime que le problème est moins aigu dans le cinéma européen où il «existe moins de conventions sur le pouvoir de séduction des femmes d'un certain âge à l'écran».

«Le cinéma est si important en Amérique, avec des coûts tellement élevés, qu'ils ne peuvent pas prendre les même risques qu'en Europe», estime-t-elle.

Mise en nomination en 1993 aux Oscars pour son rôle dans le film Indochine, Deneuve est aujourd'hui encore «très heureuse» d'avoir figuré dans la liste. Mais elle rappelle aussi qu'il faut alors accepter d'entrer dans une démarche «très particulière».

«Si vous voulez recevoir un Oscar, ou être nominée, vous devez beaucoup travailler et être très présente aux États-Unis pour rencontrer les gens et faire une sorte de lobbying», explique-t-elle.

Désormais, son intérêt d'actrice se porte plus sur un scénario attirant ou un metteur en scène que sur un rôle particulier.

Et elle n'exclut pas, malgré la phobie qu'elle a maintes fois évoquée, de monter un jour sur une scène de théâtre. Il lui faudrait pourtant se faire violence. «Le trac de la scène est quelque chose que je crains beaucoup», reconnaît-elle, ajoutant: «C'est souvent un cauchemar que je fais».