La nuit a dévoré le monde, Ghostland et Dans la brume: le cinéma fantastique et d'horreur français multiplie les tentatives pour s'affirmer mais reste encore fragile, à l'ombre de son écrasant concurrent anglo-saxon.

Deux films très différents, remarqués par la critique, sont sortis en France en mars: La nuit a dévoré le monde, premier film de Dominique Rocher, dans lequel un survivant affronte un monde peuplé de zombies, et la coproduction franco-canadienne en anglais Ghostland, film d'horreur avec Mylène Farmer réalisé par un habitué du genre, Pascal Laugier, et récompensé par le grand prix du jury au dernier Festival du film fantastique de Gérardmer (Vosges).

Dans la brume, tentative ambitieuse de film à plus gros budget avec Romain Duris et l'ex-James Bond girl Olga Kurylenko, réalisé par le Québécois Daniel Roby, produit par la société Quad (Intouchables) et coproduit par le Canada, sera quant à lui en salles mercredi en France. Il raconte le parcours de survivants alors qu'une étrange brume mortelle envahit Paris.

En février était déjà sorti en France Revenge de Coralie Fargeat, exploitant un sous-genre du film d'horreur, le film de viol et de vengeance.

«Il y a plus de films, et aussi des projets intéressants qui s'annoncent», notamment en coproduction internationale, estime Alain Schlockoff, fondateur et rédacteur en chef de L'écran fantastique.

Pour lui, «il y a aussi un phénomène nouveau» avec l'arrivée de films réalisés par des femmes, au «regard un peu neuf sur le genre, décomplexé».

«Il y a un frémissement aujourd'hui, avec un renouveau notamment féminin», renchérit Thierry Lounas, dirigeant de la société de production Capricci et du magazine So Film, qui a lancé il y a trois ans des résidences d'artistes consacrées au film de genre, dont est issu un programme de court métrages sorti en février, Quatre histoires fantastiques.

Parmi les nouveaux visages féminin, l'un est emblématique: celui de la trentenaire Julia Ducournau, qui a réussi un coup d'éclat au Festival de Cannes il y a deux ans avec Grave, oeuvre dérangeante revisitant le film d'horreur, nommée à plusieurs reprises aux Césars.

Remarqué à l'étranger, notamment au Festival de Toronto, ce film a connu une carrière internationale.

Même si ses entrées restent modestes, Grave a rassemblé plus de spectateurs au Mexique (231 000 entrées) qu'en France (153 000). Son distributeur mexicain l'y a présenté comme «un film au style "unique", différent de la plupart des films de genre qui sortent dans le pays», a expliqué à l'AFP Geminiano Pineda, directeur général de Cine Canibal.

«Artistiques et élégants»

«Les marchés internationaux sont très ouverts aux films de genre français», estime Jonathan Romney, critique au journal britannique Independent on Sunday.

«Quand les films de genre français s'exportent, c'est souvent parce qu'il y a une composante de film d'auteur, ou qu'ils donnent une image différente de la société française», poursuit le critique, pour qui les longs métrages français sont généralement considérés comme «plus artistiques et élégants que ceux réalisés aux États-Unis ou ailleurs».

Dominique Rocher relève également l'intérêt suscité à l'étranger par son film, «déjà vendu quasiment dans le monde entier».

«L'étranger adore nos films fantastiques. C'est juste en France que les gens ont un problème», souligne-t-il, rappelant que les réalisateurs de films français d'horreur des années 2000 comme Alexandre Aja (Haute tension) ou Alexandre Bustillo et Julien Maury (À l'Intérieur), qui ont travaillé aux États-Unis, sont «tous partis à l'étranger à un moment donné».

À l'exception de quelques cartons en salles comme Le pacte des loups de Christophe Gans (2001) et ses 5,1 millions d'entrées, le public français boude en effet les productions nationales, «dont ils se méfient», souligne Alain Schlockoff.

«Le cinéma américain reste le cinéma tout puissant», estime également Fausto Fasulo, réacteur en chef de Mad Movies.

Les propriétaires de salles se montrent aussi réticents à choisir ces films, souvent à cheval entre cinéma d'auteur et film de genre.

Pour Thierry Lounas, cependant, «il faut un peu dépasser la question de la salle de cinéma», car «il y a un vrai avenir lié aux ventes à l'international, et un vrai avenir à la fois sur les chaînes et sur les plateformes».