À l'international, l'année cinéma a été lancée par l'énorme bourde de la cérémonie des Oscars, et se conclut avec le scandale des inconduites sexuelles. Mais entre ces deux événements, de très beaux films ont vu le jour.

L'enveloppe, s'il vous plaîtWarren Beatty ouvre l'enveloppe, regarde le carton, hésite et se tourne vers sa partenaire Faye Dunaway qui, elle, le regarde d'un drôle d'air en se demandant ce qui se passe. Il lui montre le carton et l'interprète de Bonnie dans Bonnie & Clyde ne fait ni une ni deux et annonce le titre du lauréat de l'Oscar du meilleur film: La La Land! L'équipe du film de Damien Chazelle monte sur la scène du Dolby Theatre, mais la célébration sera de courte durée. Jordan Horowitz, le producteur de La La Land, a en effet dû révéler au micro qu'une erreur s'était produite et que le véritable lauréat était... Moonlight! La soirée a pris fin dans la plus totale confusion. Jamais une erreur aussi grave n'avait été commise dans la cérémonie la plus prestigieuse qui soit, laquelle sert de référence à toutes les autres. L'Académie affirme avoir pris les mesures nécessaires afin qu'une telle bourde ne puisse plus se reproduire. Mais quel coup de théâtre ce fut! - Marc-André Lussier

La note parfaite de Greta GerwigRotten Tomatoes est un agrégateur de critiques, qui fait la somme des bonnes et des mauvaises critiques, et dresse une moyenne. N'importe quel réalisateur qui obtient 90 % et plus pour son film peut sabler le champagne et remercier sa bonne fortune. Or, jusqu'à maintenant, aucun film n'avait jamais obtenu la note de 100 %.

Jamais avant Lady Bird, le charmant et touchant premier film de l'actrice Greta Gerwig. Telle une Nadia Comaneci du septième art, Gerwig n'a cessé d'accumuler les critiques élogieuses partout où son film a été présenté pour, au bout du compte, obtenir la note parfaite de 100 %. C'est amplement mérité pour ce film doux-amer et drôle, qui raconte les tribulations d'une ado rebelle incarnée par la merveilleuse Saoirse Ronan dans la Californie des années 90. Depuis cette note parfaite et son succès en salle, une pluie de prix s'est abattue sur un film qui se dirige vers plusieurs sélections aux Oscars. Un seul bémol, et il est de taille: même si Lady Bird est nommé dans plusieurs catégories, y compris meilleur film, aux Golden Globes et aux Independent Spirit Awards, on a oublié, volontairement ou pas, de sélectionner sa réalisatrice. Une note moins que parfaite pour un sexisme qui continue de régner sur le cinéma à Hollywood. - Nathalie Petrowski

L'émotion de Call Me by Your NameComme le nouveau film de Luca Guadagnino, remarquable à plus d'un titre, a pris l'affiche hier à Montréal, nous ne dévoilerons pas ici d'éléments importants du scénario. Sachez quand même que cette adaptation du roman d'André Aciman renferme plusieurs scènes marquantes, mais une seule, simplement, les résume toutes. Quand le film prend fin, la caméra reste sur Elio, un jeune homme qui, pendant le 17e été de son existence, a vécu un chapitre déterminant de sa vie. Dans cet épilogue, qui nous transporte quelques mois plus tard au beau milieu de l'hiver, le générique défile alors qu'Elio est rejoint discrètement par l'émotion de tout ce qu'il a vécu. La scène est totalement bouleversante. Timothée Chalamet, l'interprète d'Elio, y déploie alors toute la finesse de son jeu en faisant exister son personnage, seul devant le feu de foyer, comme habité par l'émotion pendant toute la durée du générique. Ce trait de mise en scène de Luca Guadagnino n'aurait pu être mieux choisi, car il traduit subtilement toute la charge émotionnelle de ce film d'exception. - Marc-André Lussier

Netflix s'impose!Depuis le début de son existence, le Festival de Cannes n'avait encore jamais sélectionné en compétition des films destinés à d'autres plateformes que la salle de cinéma. Cette année, Okja (Bong Joon-ho) et The Meyerowitz Stories (Noah Baumbach), deux longs métrages distribués par le diffuseur en ligne, ont concouru pour la Palme d'or. Du coup, le débat a été lancé sur la nature même de ce qu'est un film de cinéma. Il est certain qu'avec des longs métrages comme War Machine (David Michôd), First They Killed My Father (Angelina Jolie) et Mudbound (Dee Rees), Netflix a l'ambition de produire des films qui peuvent se distinguer sur le circuit des grands festivals et des remises de récompenses. L'an prochain, Netflix compte lancer pas moins de 80 longs métrages originaux, parmi lesquels le très attendu The Irishman, de Martin Scorsese. Il y a fort à parier que Netflix demeurera au centre des discussions au cours de la prochaine année. - Marc-André Lussier

Frances McDormand et ses trois panneauxDramaturge reconnu, Martin McDonagh signe ici, après In Bruges et Seven Psychopaths, un troisième long métrage remarquable, duquel émane un humour jouissif et très grinçant, même s'il traite sérieusement - sans les éviter - les thèmes graves qu'il aborde au passage. Du même coup, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri raconte aussi quelque chose de l'Amérique profonde d'aujourd'hui, celle qui se sent complètement lésée et méfiante du système, peu importe l'ordre de gouvernement. Dans le rôle d'une mère de famille qui prend les grands moyens pour attirer l'attention des autorités du patelin à propos du meurtre non élucidé de sa fille, Frances McDormand est tout simplement prodigieuse alors qu'elle maintient constamment l'équilibre entre l'humour noir et l'aspect tragique du personnage. Ne vous étonnez pas si l'actrice, 21 ans après Fargo, se retrouve de nouveau avec une statuette dorée dans les mains. - Marc-André Lussier

À DunkerqueL'entrée en matière, déjà, impressionne. En cette fin du mois de mai 1940, des soldats alliés tentent de fuir les tirs ennemis dans les petites rues de Dunkerque. La caméra s'attarde particulièrement sur l'un d'entre eux, Tommy (Fionn Whitehead). La perspective de vue du jeune Britannique quand il parvient à gagner la plage est hallucinante. De grandes files s'offrent à son regard, formées par des milliers de frères d'armes qui attendent patiemment qu'on vienne à leur rescousse. Dès lors, on sait que Dunkirk ne sera pas un «film de guerre» comme les autres. La grande force du récit réside dans cette volonté d'offrir au spectateur une expérience immersive, sans recourir aux repères narratifs habituels. L'ennemi n'est pas nommé ni vu. On ne quitte jamais le lieu de l'action non plus. Il n'y a pratiquement pas de mise en contexte, et les dialogues sont réduits au minimum. Du coup, Christopher Nolan marque les esprits en signant un film populaire qui, en principe, devrait faire très bonne figure à la prochaine soirée des Oscars. - Marc-André Lussier

image fournie par Netflix

An Seo Hyun dans Okja, un film de Bong Joon Ho.

Ruben Östlund frappe fortPalme d'or du dernier Festival de Cannes, cette satire du réalisateur de Force majeure (finaliste à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2015) aborde avec un humour décapant quantité de questions éthiques et de dilemmes moraux. Le conservateur d'un musée d'art contemporain de Stockholm fait face aux limites et aux contradictions de son discours d'ouverture et de tolérance. Ce séducteur célibataire, père de deux petites filles, roule en voiture électrique, prêche l'altruisme et plaide en faveur des exclus et des moins nantis. Mais lorsqu'il se fait voler portefeuille et téléphone cellulaire par de petits criminels des quartiers défavorisés, on découvre les zones d'ombre de son narcissisme petit-bourgeois. The Square, du nom de l'exposition qu'il prépare sur l'entraide et l'égalité des droits de tous, aborde de front l'hypocrisie et le manque d'empathie des sociétés capitalistes. Il s'intéresse aussi à la portée de l'art à l'ère du clic et du clip viral. Et aux limites de l'art, dans une scène d'anthologie mettant en scène une performance d'acteur qui feint d'être un primate en rut. Jusqu'où les spectateurs le laisseront-ils aller? Voilà une oeuvre percutante et drôle qui bouscule et déstabilise - en multipliant les malaises, à la manière du cinéma de Michael Haneke -, sur la condition de l'homme et sa difficulté, finalement, à s'élever au-dessus des autres mammifères. - Marc Cassivi

Le combat de 120 battements par minuteLe cinéaste français Robin Campillo a proposé en 2017 une leçon d'histoire doublée d'une histoire d'amour sur le combat du mouvement militant pour les droits des séropositifs au début des années 90. Son long métrage 120 battements par minute s'intéresse en particulier au groupe Act Up-Paris, qui avait notamment recouvert l'obélisque de la place de la Concorde d'un condom rose géant, à l'époque du scandale du sang contaminé en France. Une époque où il y avait encore plus de préjugés qu'aujourd'hui sur l'homosexualité et où un diagnostic de sida équivalait à une condamnation à mort à plus ou moins brève échéance. Campillo filme de l'intérieur les actions, débats et luttes intestines au sein de ce regroupement militant, formé de séropositifs à la santé fragile ou déclinante. La lutte contre les sociétés pharmaceutiques, les assureurs et le gouvernement trop lent à réagir. Avec en trame de fond les amitiés et les tensions, les amours et les désirs, et l'esprit de corps de ces militants pour la plupart homosexuels. Film social de facture classique, 120 battements par minute est juste, sensible, cohérent et absolument maîtrisé. Nahuel Pérez Biscayart est particulièrement émouvant dans le rôle de Sean, militant exubérant et révolté devant cette maladie sournoise qui le ronge de l'intérieur. - Marc Cassivi

Image fournie par EyeSteelfilm

The Square