Des poids lourds du cinéma québécois mais aussi des nouveaux venus ont été applaudis cette année.

La touche Denis VilleneuveBlade Runner 2049 de Denis Villeneuve n'a peut-être pas connu le succès prévu. Encore qu'avec des recettes de 257 millions, le film soit loin d'être un échec.

Reste que l'aspect le plus intéressant du film demeure ces petites touches «villeneuviennes» qui arrivent comme un cheveu sur la soupe et injectent un zeste de réalité quotidienne dans un genre qui ne l'invitait pas. Une des premières images de Blade Runner 2049, celle d'une soupe qui mijote sur le vieux poêle d'une ferme au milieu d'un désert cybernétique, en est l'illustration éloquente. Selon certains fans, la scène avait été coupée du premier Blade Runner. Villeneuve a choisi de la ramener et d'en faire l'entrée en matière d'un film qui bout doucement pendant 2 heures 40 minutes et qui réussit, à travers ses millions d'effets spéciaux, à ne pas complètement couper les ponts avec la réalité de la condition humaine. S'il y a une touche Villeneuve, c'est précisément là qu'elle loge. - Nathalie Petrowski 

Henri Picard dans Les rois mongolsHenri Picard est une véritable révélation dans Les rois mongols, film de son père, le cinéaste et comédien Luc Picard (et de la comédienne Isabel Richer), autour des événements d'octobre 1970. Voilà un jeune talent comme on en voit peu souvent à l'écran, à la fois subtil et affirmé, et d'une grande justesse, ce qui est rare chez les acteurs au début de l'adolescence. Picard est excellent dans le rôle de l'aîné d'une bande d'enfants qui enlève une vieille dame dans ce film nostalgique, aux accents de Réjean Ducharme, empreint de tendresse et de références populaires de l'époque. S'il est un peu trop prévisible, le quatrième long métrage de Luc Picard, après L'audition, Babine et Ésimésac, a le charme d'un Stand by Me québécois. - Marc Cassivi

Patrick Huard et Michel Côté, rois du box-officeMichel Côté et Patrick Huard ont dominé le box-office estival québécois. De père en flic 2, une réalisation d'Émile Gaudreault, et Bon Cop, Bad Cop 2, réalisé par Alain DesRochers, occupent même, respectivement, les première et deuxième positions du palmarès de l'année, tout juste derrière Beauty and the Beast. De père en flic 2 et Bon Cop, Bad Cop 2 ayant franchi la barre des 6 millions de dollars de recettes, le succès populaire devrait-il obligatoirement passer par la formule des suites? «J'espère que non! répond Michel Côté, vedette de De père en flic 2. Les premiers volets de ces deux films-là ont fait de plus gros scores encore et, pourtant, ils étaient tout à fait originaux. Quand est arrivée l'idée de De père en flic 2, j'étais convaincu qu'on ne ferait probablement pas la moitié du box-office du premier. J'avoue que devant l'ampleur de ce succès, je tombe un peu en bas de ma chaise!» - Marc-André Lussier

Le succès du Problème d'infiltrationDans plusieurs des entrevues qu'il a accordées aux médias, Robert Morin a dit de son film qu'il n'était «tellement pas un feelgood movie!». Visiblement, le public n'en a eu cure, car Le problème d'infiltration est l'un des plus grands succès en carrière du réalisateur de Journal d'un coopérant. Cet excellent thriller existentiel, que le cinéaste a conçu pour «enlever tout l'air de la salle», fut salué par l'ensemble de la critique, notamment grâce à la performance de Christian Bégin. À Montréal, Le problème d'infiltration a tenu l'affiche pendant 11 semaines consécutives, et dans l'ensemble du Québec, le film a généré des recettes de 234 000 $. Pour une production qui a disposé d'un circuit d'écrans très modeste, voilà une performance étonnante! - Marc-André Lussier

Le virage écologique du FFM«On est écologique ou on ne l'est pas!», a affirmé Serge Losique lors de la soirée d'ouverture du 41e Festival des films du monde (FFM), tenu en formule réduite, sans que les festivaliers aient accès à la programmation à l'avance. Ce nouveau militantisme vert expliquerait ainsi pourquoi toute la documentation liée à la tenue du FFM est désormais disponible exclusivement sur l'internet. «On sauve des arbres!», a justifié M. Losique, tout juste avant d'expliquer que la présidente du jury, Fanny Cottençon, était arrivée au cinéma en marchant, sans limousine, «parce que le cinéma est né comme ça, dans la rue. Un tapis rouge symbolise les puissants qui écrasent le peuple. Voilà pourquoi il n'y en a plus ici», a-t-il ajouté. Le grand manitou du FFM a aussi surpris en annonçant que seuls la présidente du jury et le vice-président, Roger Cantin, allaient voir les films sur place. Les trois autres membres du jury ont effectué leur tâche à distance, et l'un d'eux a même réclamé l'anonymat «afin de ne pas être inondé de courriels». Contre vents et marées, le 41e FFM a eu lieu. À la clôture, Serge Losique a même annoncé les dates des deux prochaines éditions. - Marc-André Lussier

Le fantôme bienveillantPieds nus dans l'aube est un beau film, un peu lisse et un peu lent, dominé par la présence magnétique de Roy Dupuis dans le rôle de Léo, le père de Félix Leclerc. On peut se laisser bercer (ou non) par ce conte tout en douceur où l'enfance du poète est magnifiée, réalisé avec amour et respect par son fils Francis Leclerc. Mais on ne peut résister à la voix chaude et grave de Félix Leclerc lui-même, qui nous surprend dans la dernière scène du film, fantôme bienveillant qui vient conclure cette classique histoire de passage à l'âge adulte. Que cet enregistrement où Félix lit des extraits de Pieds nus dans l'aube existe encore est un miracle en soi. Mais entendre cette voix reconnaissable entre toutes suscite une émotion quasi viscérale chez les spectateurs. Alors qu'on soulignera les 30 ans de sa mort en 2018, le souvenir de Félix est toujours aussi présent. Et il fait du bien à l'âme. - Josée Lapointe

fournie par la production

Sandra Dumaresq et Christian Bégin dans Le problème d'infiltration, de Robert Morin

Des festivals effervescentsIl est de bon ton de commenter la lente agonie du Festival des films du monde (FFM). Mais pendant que le public déserte le festival de Serge Losique, qui a connu cette année son lot de problèmes organisationnels et techniques, il fréquente avec assiduité les nombreux autres festivals montréalais. En voici quatre exemples qui ne mentent pas. 

Le Festival du nouveau cinéma, après 46 ans d'existence, attire toujours la fine pointe des cinéastes d'ici et d'ailleurs. Son meilleur coup cette année: présenter en première mondiale Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, grâce entre autres à la longue amitié qui unit le cinéaste québécois au fondateur du FNC, Claude Chamberlan.

Les Rencontres internationales du documentaire (RIDM) ont fêté leurs 20 ans avec faste en présentant une programmation vraiment branchée sur le monde, dont plusieurs films québécois de haute tenue - Bagages de Paul Tom, DPJ de Guillaume Sylvestre, 24 Davids de Céline Baril. Le festival a vu son achalandage augmenter de 20 %, et 31 séances ont affiché complet, contre 18 en 2016.

Cinemania, festival de films français sous-titrés en anglais, est devenu en 23 ans un lieu incontournable pour le cinéma venu de France. Cette année, 54 films y étaient présentés, dont 47 premières! Parmi ceux-ci, de grosses pointures françaises comme Barbara, Le sens de la fête et Au revoir là-haut, ainsi que le film québécois Nous sommes les autres.

Fantasia, spécialisé dans le film de genre depuis sa fondation en 1996, reste un des festivals montréalais les plus courus. L'événement a même attiré plus de 100 000 spectateurs pour la huitième année d'affilée. Le problème d'infiltration de Robert Morin a fait partie des 13 premières mondiales à l'affiche, alors que le comédien Robert Pattinson a créé l'événement en venant présenter le film Good Time en première nord-américaine. - Josée Lapointe

Mentions canadiennes: Une Inuite qui ira loinAlethea Arnaquq-Baril a un nom un peu compliqué à retenir. Mais son documentaire Angry Inuk, qui a fait le tour du monde et éveillé les consciences en 2017, est simple et clair comme de l'eau de roche. La cinéaste inuite a osé faire ce que personne n'avait fait avant elle: se porter à la défense des chasseurs de phoque, diabolisés par les Brigitte Bardot de ce monde et par des images-chocs de sang trop rouge sur la neige trop blanche. Son film torpille tous nos préjugés sur le massacre des bébés phoques en nous montrant, chiffres à l'appui, que les phoques ne sont pas une espèce en voie d'extinction et que la chasse au phoque n'est pas qu'une question alimentaire, ancestrale et culturelle. C'est une question de survie économique pour les Inuits qui font le commerce de la peau de phoque. Son documentaire a eu un tel retentissement sur la scène internationale que la cinéaste sera la première lauréate d'un nouveau programme de Téléfilm Canada qui garantit un financement automatique pour le deuxième film d'un ou d'une cinéaste dont le premier film a rayonné dans le monde. Toutes nos félicitations à Alethea, et que «la force soit avec elle» pour la suite.  - Nathalie Petrowski

Idolâtrie, quand tu nous tiensLa scène se passe dans une file, une parmi les centaines de files qui tapissent les rues de Toronto pendant son festival du film. Le TIFF est un des seuls festivals au monde où les spectateurs, qu'ils soient journalistes, bénévoles ou cinéphiles, doivent poireauter des heures à la porte des cinémas pour s'assurer d'avoir une place. Les conversations y sont fascinantes. Celle qui a capté mon attention mettait en scène deux bénévoles du TIFF pratiquant l'idolâtrie. La première racontait avoir ouvert et tenu la porte à l'actrice britannique Helen Mirren. «Chanceuse! s'est écriée la deuxième. Helen Mirren! J'aurais tellement aimé être là!» Et la première de lui raconter comment Helen Mirren avait été gentille et charmante quand elle lui avait ouvert la porte. Mais à quoi s'attendait-elle, au juste? À ce que l'actrice la remercie en la giflant ou en lui donnant un coup de pied? Évidemment que Helen Mirren allait être gentille le soir de sa première. Le seul job qu'elle avait à faire ce soir-là était de sourire et de n'étriper personne. Idolâtrie, quand tu nous tiens... - Nathalie Petrowski

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Claude Chamberlan, fondateur du FNC, le réalisateur Denis Villeneuve et Nicolas Girard Deltruc, directeur général du FNC, lors de la première de Blade Runner 2049 à Montréal.