La nouvelle société MK2 | Mile End entend bien dynamiser l'offre faite aux cinéphiles québécois et faire retrouver le chemin des salles aux spectateurs. Un nouveau complexe devrait éventuellement aussi voir le jour à Montréal.

Nous en entendions parler depuis des mois, mais cette fois, ça y est. Dans le monde très concentré de la distribution de films au Québec, une nouvelle figure s'amène. Charles Tremblay, qui a fondé la société Métropole Films en 2006 (et l'a quittée 10 ans plus tard), s'associe à MK2, une importante société de production et de distribution parisienne, qui agit ici à titre d'actionnaire minoritaire.

Dès cette année, la nouvelle société compte proposer aux cinéphiles québécois une vingtaine de longs métrages étrangers. Elle compte aussi s'impliquer activement dans la diffusion d'oeuvres québécoises, tant ici qu'à l'étranger. Pour les producteurs de chez nous, un nouvel interlocuteur s'ajoute ainsi à la courte liste des gens vers qui ils peuvent désormais se tourner.

«Dans le marché actuel, on ne compte que de très gros distributeurs d'un côté et de petits distributeurs indépendants de l'autre, faisait hier remarquer Charles Tremblay au cours d'un entretien accordé à La Presse dans les bureaux de MK2 à Paris. On espère prendre une place entre ces deux pôles afin de pouvoir sortir des films de toutes origines avec, quand même, de bonnes ressources. Notre mandat est assez large - nous aurons évidemment accès aux films de MK2 -, mais on souhaite aussi une offre plus variée, axée sur les bons films.»

De son côté, Nathanaël Karmitz, qui dirige depuis 12 ans la société qu'a fondée son père Marin en 1974, est parfaitement conscient de la difficulté du marché auquel il s'attaque et de l'ampleur du défi qui l'attend.

«La situation qui prévaut présentement au Québec et au Canada constitue un exemple de ce qu'il faut essayer d'éviter un peu partout, dit-il. Cette hyperconcentration de l'exploitation et de la distribution crée une situation où les spectateurs n'ont plus beaucoup d'envie, et où plus personne ne croit au cinéma. Et c'est bien pour cela que ce marché nous intéresse. Parce qu'il est difficile.

«Nous croyons, ajoute-t-il, pouvoir apporter un supplément de diversité. Nous ne nous voyons pas comme des concurrents. D'ailleurs, nous n'avons eu que des échos enthousiastes de la part des collègues distributeurs! La diversité est nécessaire pour le dynamisme d'un marché. Nous sommes un actionnaire minoritaire dans cette association, mais on amène notre marque, notre savoir-faire, nos réseaux. Notre ambition est d'agiter le marché et d'offrir à nos films les meilleures conditions possible.»

Pas de sous-distribution

Pendant ses années à Métropole, Charles Tremblay a pu distribuer au Québec de nombreux titres internationaux prestigieux, acquis notamment par des sociétés américaines, comme Sony Pictures Classics. Ces droits sont habituellement vendus pour l'ensemble du territoire nord-américain et la marge de manoeuvre du distributeur québécois s'en trouve alors très restreinte.

«Dans la mesure du possible, nous allons tenter de casser le moule de la sous-distribution, indique-t-il. On ne se concentre pas sur les grands titres internationaux pour l'instant - les Almodovar, etc. -, mais il n'est pas dit qu'éventuellement, nous ne tenterons pas de les obtenir. Il est cependant clair que nous faisons des acquisitions pour le territoire québécois et canadien.» 

«Nous souhaitons aussi réduire le décalage entre les sorties en Europe et au Québec, à tout le moins éviter les délais d'un an.»

Le premier titre acquis par la société, Monsieur et madame Adelman, de Nicolas Bedos, sortira vraisemblablement au Québec au mois d'avril, soit un mois après avoir pris l'affiche dans l'Hexagone. Le Québécois Nicolas Bolduc (RebelleEnemyTwo Lovers and a Bear) signe la direction photo de ce film comportant une «belle et grande histoire d'amour».

Une vie, adapté d'une nouvelle de Guy de Maupassant, vient aussi d'enrichir le catalogue de la nouvelle société. Ce film de Stéphane Brizé (La loi du marché) est le récent lauréat du prix Louis-Delluc, considéré comme le Goncourt du cinéma.

Et les nouvelles salles?

MK2 avait par ailleurs été pressentie pour acquérir l'Excentris, mais la société avait finalement dû renoncer, estimant les risques financiers trop importants. Cela dit, la volonté de construire un nouveau complexe de salles à Montréal - et peut-être même plus qu'un - reste bien concrète. L'enjeu est de créer une dynamique favorable à des activités de production, de programmation, à la création d'événements autour du cinéma, ainsi que des activités de réalité virtuelle. Un endroit serait trouvé dans la métropole québécoise, mais le directeur de MK2 refuse pour l'instant de révéler des détails.

«Idéalement, on voudrait couvrir le centre, l'est et l'ouest de Montréal, indique Nathanaël Karmitz. Mais nous n'avons pas d'échéancier précis à cet égard.»

De son côté, Charles Tremblay précise que le choix du nom de la société, MK2 | Mile End, découle de son affection pour le quartier dans lequel il a toujours tenu ses activités professionnelles. Il ne faudrait pas y voir un indice de l'emplacement du futur premier complexe.

À quand la première pelletée de terre?

MK2: un rayonnement international

Fondée en 1974 par Marin Karmitz, MK2 possède un catalogue comprenant environ 600 oeuvres, signées par certains des plus grands du septième art: Truffaut, Chaplin, Kieslowski, Chabrol, Godard et bien d'autres. MK2 diffuse aussi les films de Xavier Dolan en France. Elle s'est aussi impliquée dans la production d'au moins deux films du cinéaste québécois. La société exploite 10 complexes cinématographiques à Paris, dont le magnifique MK2 Bibliothèque, et, depuis deux ans, presque autant en Espagne. En plus de s'implanter au Québec, et ailleurs au Canada éventuellement, MK2 aurait aussi l'Amérique du Sud dans son viseur.

Photo fournie par MK2

Charles Tremblay, qui a fondé la société Métropole Films en 2006 (et l'a quittée 10 ans plus tard), s'est associé à MK2, une importante société de production et de distribution parisienne.