Il est le nouveau prodige d'Hollywood. À 31 ans, Damien Chazelle a déjà réalisé son rêve de mettre en scène une comédie musicale contemporaine, La La Land, avec laquelle il accumule les prix et même déjà quelques records.

La La Land, sa somptueuse ode à l'âge d'or hollywoodien, chantée et dansée par Ryan Gosling et Emma Stone, a raflé sept statuettes aux Golden Globes dimanche, un record.

Damien Chazelle, dont le père est français, est aussi le plus jeune réalisateur à jamais avoir remporté le Globe de meilleur réalisateur.

Anne Thompson, chef de la rubrique prix hollywoodiens du blogue de cinéma IndieWire, le décrit comme «un jeune Quentin Tarantino ou Martin Scorsese, un fou de films talentueux, très intelligent, qui connaît les classiques suffisamment bien pour les déconstruire et les réassembler de façon originale», a-t-elle estimé, interrogée par l'AFP.

«Il n'est pas prétentieux. Il a dû se battre pour être là où il en est», ajoute-t-elle.

La genèse de La La Land a notamment demandé six années d'efforts. «C'était déjà un rêve à partir du premier jour de tournage. Tout ça (les Golden Globes) c'est encore plus irréel», a-t-il dit après avoir reçu sa statuette dimanche.

Ce n'est probablement pas son dernier prix cette année car depuis dix ans, chaque lauréat du Globe de meilleur réalisateur a ensuite gagné l'Oscar équivalent - à l'exception de Ben Affleck en 2013.

Vocation

Sur la scène du Beverly Hilton dimanche, Chazelle a remercié sa famille pour l'avoir cru quand, à l'âge de trois ans, il lui a dit son envie de faire des films.

Né dans le petit État du Rhode Island, dans le nord-est des États-Unis, ce jeune homme aux cheveux noirs bouclés est le fils de Celia Martin, professeure d'histoire, et de Bernard Chazelle, professeur universitaire de science informatique, fou de jazz et de blues.

Passionné de cinéma dès le plus jeune âge - l'épopée sur la guerre civile d'Edward Zwick Glory (1989) est notamment l'un des premiers films l'ayant inspiré - Chazelle s'est toutefois d'abord tourné vers la musique: il a étudié les percussions jazz au lycée, pratiquant jusqu'à huit heures par jour.

Ce n'est qu'une fois étudiant à Harvard qu'il a réalisé que sa vraie vocation était le cinéma.

Chazelle a écrit, produit, cofilmé et réalisé son premier film, le très jazz et déjà dansant Guy and Madeline on a Park Bench, évoquant Godard et Demy, alors qu'il était encore en premier cycle universitaire.

Il a continué à jouer de la batterie à Harvard, où il était dans un groupe avec Justin Hurwitz qui a composé la bande-originale entêtante de La La Land et coécrit la ballade mélancolique City of Stars, primées aux Globes.

Il a toutefois toujours souffert d'un trac handicapant avant chaque performance et en est venu à admettre que ce serait un obstacle pour une carrière musicale.

Le réalisateur avoue se sentir encore nerveux lorsqu'il tourne, ou même lors de projections de son film, et se dit «en admiration devant les acteurs», qui sont «bien plus capables de gérer ça que moi».

Nostalgie

Son expérience d'aspirant-batteur de jazz a cependant inspiré Whiplash (2014), sur la relation turbulente entre un étudiant en percussions jazz et son professeur tyrannique.

Ce deuxième long métrage avait créé l'événement à Sundance en 2014 et récolté une moisson de trophées dont trois Oscars, notamment le meilleur second rôle pour J.K. Simmons, en plus de nominations pour le meilleur film et meilleur scénario.

Pendant ce temps Chazelle, qui est crédité sur les scénarios du Dernier exorcisme: part II, Grand piano (2013) et du thriller de science-fiction 10 Cloverfield Lane, rêvait de tourner une comédie musicale à Hollywood.

Il avait raconté à l'AFP en 2014 avoir la nostalgie de l'âge d'or du cinéma, des films de Jacques Demy ou dansés par Ginger Rogers, Fred Astaire et Gene Kelly: «C'est la dernière génération qui dansait avec le jazz, juste avant le rock». «Les années 1930 à 1960, c'est une époque non seulement cinématographique mais musicale qui compte beaucoup pour moi».

Il avait décrit ce qui allait devenir La La Land (le surnom de Los Angeles) comme «une histoire sur la difficulté de trouver un équilibre entre la vie et l'art. C'est très personnel».

Chazelle s'apprête à repasser bientôt derrière la caméra pour First Man, l'astronaute Neil Armstrong, avec Ryan Gosling qui va partir sur la lune après avoir valsé dans les étoiles pour La La Land.