Hommage éclectique à la culture pop, le Comiccon de Montréal a le vent dans les voiles avec une fréquentation record de près de 60 000 personnes venues à sa 8e édition au Palais des congrès. Chassez donc immédiatement vos vieux clichés du quadragénaire fanatique de Dungeons & Dragons encore puceau, le Comiccon est jeune, mixte, mais aussi très familial.

Vendredi

Plusieurs travailleurs s'engouffrent dans le métro après leur semaine de travail. Tout juste à gauche, ils sont aussi nombreux à pousser les tourniquets menant au Comiccon, déguisés en Boba Fett, Spider-Man, Chewbacca, Link (The Legend of Zelda), sans oublier une Lara Croft plus ou moins pulpeuse et une kyrielle de personnages issus de l'univers manga.

Ces cosplayers (costumédiens) valent à eux seuls le détour, pour la touche carnavalesque qu'ils donnent à l'événement, mais aussi pour le plaisir de s'en donner à coeur joie avec les égoportraits.

Immense comme quelques terrains de football, la salle d'exposition principale ressemble à un gros marché aux puces pour geeks. On retrouve dans les kiosques bandes dessinées, toiles, costumes, bijoux, vêtements, nains de jardin gore, épées, jeux vidéo et autres articles inspirés de la culture pop.

Les étals de plusieurs bédéistes s'alignent dans l'allée des artistes. Des Américains comme Greg Hyland, populaire pour ses illustrations de Lego Star Wars, ou David Lloyd (V for Vendetta), mais aussi des Québécois comme Thierry Labrosse, l'homme derrière l'excellente saga futuriste Ab Irato, dont l'action se déroule à Montréal dans une centaine d'années.

«Le Comiccon me permet de rencontrer les gens et de défendre mes livres», raconte le bédéiste Thierry Labrosse, qui vit de son art depuis 20 ans.

Au bout de l'allée, les visiteurs doivent allonger une vingtaine de dollars pour grimper à bord de la voiture de Ghostbusters ou faire du hoverboard accrochés à la DeLorean de Back to the Future.

Au même moment, Jason - immense - passe nonchalamment dans l'allée en traînant de chaque main un corps décapité et une machette maculée de sang.

Qu'on aime ou non le genre, pas le choix de saluer l'originalité des visiteurs costumés. Leur audace, même, à en juger par plusieurs femmes ayant reçu un sérieux coup de pouce de la médecine moderne pour remplir leurs costumes en lycra hyper moulants.

À l'autre extrémité de la salle, une grande section est consacrée aux séances d'autographes avec les vedettes invitées. Ainsi les Tom Felton (Draco Malfoy dans Harry Potter), Michael Ironside (Turbo Kid), Liam McIntyre (Spartacus), Cary Elwes (The Princess Bride), Billy Dee Williams (Lando dans Star Wars), sans oublier le monumental William Shatner (Star Trek), ont défilé au cours du week-end.

Pour Ghislain Deslières, un habitué, le nombre de vedettes est impressionnant cette année. «Je me suis fait prendre en photo avec William Shatner, tantôt. Et là, je viens de laisser un dessin à Michael Ironside», raconte fièrement celui qui aspire à une carrière dans la bande dessinée.

De l'autre côté de l'allée, quelques nostalgiques font la file devant le kiosque de Linda Ballantyne, la voix de l'héroïne de Sailor Moon.

En fin de journée, la salle 516C est prise d'assaut pour la conférence mettant en vedette William Shatner (l'illustre capitaine Kirk), dont la présence dans un Comiccon semble aussi naturelle que celle d'un politicien dans une épluchette de blé d'Inde.

Normal puisque la série culte Star Trek et son armée de «trekkies» ont en quelque sorte jeté les bases d'une culture qui s'exprime désormais de mille façons.

L'icône de la science-fiction, bref, s'est amenée en territoire conquis, comme une rock star, au son de la musique du générique de la série.

Généreux et hilarant, Shatner a parlé de ses racines montréalaises, de sa jeunesse dans un quadruplex de la rue Marcil, du parc Belmont et de la beauté de Justin Trudeau.

Samedi

Le temps maussade rend sans doute un fier service au Comiccon, puisqu'on se marche presque sur les pieds en matinée à l'intérieur de la grande salle d'exposition. Au troisième étage, l'acteur australien Liam McIntyre, connu pour son rôle de Spartacus dans la série du même nom, rencontrait ses fans qui étaient installés dans des gradins dispersés autour d'un tapis beige rappelant le sable d'une arène. Concept!

L'acteur, sympathique, y multiplie les roulades sous les cordons de sécurité pour aller tendre lui-même le micro aux fans.

Des combats de gladiateurs sont ensuite organisés au milieu de l'«arène»!

Les spectateurs s'époumonent pendant que s'entrechoquent épées et boucliers, en plus de décider du sort des combattants.

Le pauvre Lucius a ainsi eu la gorge tranchée lorsque la foule a tourné le pouce vers le bas après sa défaite contre le Troyen Astyanax, un petit rapide.

En redescendant vers la salle d'exposition, la foule fredonne spontanément la Marche impériale au passage de Darth Vader, accompagné d'un peloton de stormtroopersGeeks, tu dis?

Originaires d'Ottawa, Kim Buck et son mari sont au nombre des stormtroopers, mais surtout de la 501e Légion, un célèbre club de fans costumés qui écument les conventions de science-fiction et amassent de l'argent pour des oeuvres caritatives. «La culture pop est actuellement très in», constate cette maman d'un garçon encore trop jeune pour réaliser que ses parents sont les plus cool de la terre.

Dans un coin de la salle, l'exposition Turbo Kid constitue un des clous de l'événement. Les gens sont nombreux à aller contempler le BMX de Skeletron, le costume du méchant Zeus, mais surtout le gnome stick d'Apple.

«Tout ça traînait dans notre sous-sol», explique Anouk Whissell, du trio Roadkill Superstar, qui a réalisé le film.

L'initiateur du projet d'exposition, Maurice Roy, a voulu rendre hommage à cette fable apocalyptique, truffée de références ayant bercé son enfance. «C'est ma lettre d'amour à leur film», résume-t-il.

Anouk, Yoann-Karl Whissell et François Simard (qui sont aussi porte-parole de Fantasia cette année) s'affairent à développer de nouveaux projets, visiblement un peu dépassés par le succès de leur Turbo Kid.

«C'est assez weird», admet M. Simard, au sujet de ce qu'il ressent en voyant des cosplayers incarner les personnages de leur film.

Le conte de fées se poursuit d'ailleurs, puisque leur premier long métrage a été consacré «meilleur film étranger» tout récemment aux Saturn Awards, l'équivalent des Oscar pour les films de science-fiction.

«C'est très émouvant pour nous, qui avons grandi ici et à Fantasia, de nous retrouver de l'autre côté du miroir», enchaîne Yoann-Karl, tout juste avant d'aller piquer une jasette avec la vedette de leur film, Michael Ironside, qui signe des autographes à côté. 

«J'ai fait plus de 300 films, mais les trois quarts des gens ne me parlent que de Turbo Kid», s'étonne Michael Ironside.

Photo Ninon Pednault, La Presse

Thierry Labrosse est l’homme derrière la saga futuriste Ab Irato, dont l’action se déroule à Montréal dans une centaine d’années.

Dimanche

Il y a moins de monde que la veille. Ça tombe bien, on commence à faire une surdose de Kylo Ren et Deadpool ou de voir l'infatigable Jason traîner son cadavre dans les allées.

À l'étage, l'acteur Tom Felton (Draco Malfoy) fait revivre la pottermania devant une salle très remplie.

Sympathique, souriant, bref, son comportement est aux antipodes du personnage qui a tant tourmenté le plus célèbre sorcier balafré.

Et même si on en avait assez, comment mieux terminer un week-end du genre autrement que par un concert de la musique de Star Wars, interprétée par l'Orchestre à vents de musiques de films, mené par la baguette lumineuse du chef Jocelyn Leblanc? Des musiciens bénévoles, qui ont enchaîné les grands classiques des sept films de la franchise.

En sortant une fois pour toutes du Palais des congrès, une indigène na'vi (Avatar) et une Catwoman placotent ensemble, pendant que la Marche impériale résonne encore dans nos oreilles.

Photo Ninon Pednault, La Presse

L’acteur australien Liam McIntyre, interprète du personnage central de Spartacus, était au Comiccon de Montréal.