Plus fort que Titanic ou Star Wars, la comédie transalpine Quo Vado, sur le parcours d'un fonctionnaire accroché à sa «mammà» et à son statut, cartonne en Italie où le public rit volontiers de ses propres travers.

Quatrième long métrage de Gennaro Nunziante, Quo Vado (Où vais-je?), un jeu de mot à partir du célèbre Quo Vadis de saint Pierre à Jésus, est sorti le 1er janvier dans 1200 salles italiennes.

Depuis, il bat tous les records: plus de 8 millions d'Italiens l'ont déjà vu, dont le Premier ministre Matteo Renzi et sa famille. Mieux, avec 64,7 millions d'euros de recettes au 7 février, il vise le record absolu en Italie, réalisé en 2010 par Avatar de James Cameron (65,6 millions d'euros).

Distribué par Medusa (groupe Mediaset, appartenant à la famille de l'ancien Premier ministre Silvio Berlusconi), le film raconte la petite vie bien réglée de Checco (prononcez Kekko) Zalone, un célibataire de 38 ans toujours chouchouté par sa maman et qui s'est trouvé un emploi tranquille dans une administration, où il joue de son petit pouvoir pour obtenir des contreparties en nature.

Mais, à la suite d'une réforme des collectivités locales, à l'image de celle lancée par le gouvernement Renzi qui supprime une partie des provinces (l'équivalent des départements français), la charge d'attaché à la délivrance de permis pour la chasse et la pêche de Checco est supprimée.

«Il posto fisso è sacro»

Soit il en accepte une autre mais loin, soit il est licencié avec indemnités. Et malgré le chèque, de plus en plus gros que lui propose une fonctionnaire du ministère, Checco s'obstine, car «il posto fisso è sacro» (le statut de fonctionnaire est sacré).

Après plusieurs postes improbables, il finit par atterrir au pôle Nord, où l'Italie a une mission scientifique, et découvre l'amour en la personne d'une biologiste (Eleonora Giovanardi), mère de trois enfants de pères différents, à l'opposé de sa «mammà».

Une héroïne que Gennaro Nunziante a voulu ultra-diplômée et indépendante, partie travailler à l'étranger comme le font de plus en plus de jeunes Italiens, en tous points différente des habituelles actrices des comédies italiennes de fin d'année, «à moitié nues et vulgaires».

«Mon film est avant tout du pur divertissement», voulu dans la lignée des comédies italiennes des années 50 et 60, explique le metteur en scène, lors d'une rencontre récente avec la presse étrangère à Rome.

De fait, le film joue avec les archétypes de l'Italien moyen, macho, tricheur, hypocrite et de mauvaise foi, qui resquille les queues, klaxonne au feu rouge et pour qui moins on en fait, mieux on se porte. Et on se surprend même à rire.

Mais, «en même temps, ajoute Gennaro Nunziante, je suis pour que les comédies ne soient pas que superficielles», estimant que Quo Vado est également «poétique et social».

Parti du constat selon lequel «l'emploi n'est plus aussi stable qu'avant», à l'heure où le gouvernement Renzi a rendu le marché du travail plus flexible avec son Jobs Act et où les employés municipaux de San Remo sont montrés du doigt en raison de leur absentéisme récurrent, le réalisateur surfe avec une actualité mâtinée de nostalgie, usant jusqu'à plus soif du pouvoir comique de son interprète, Luca Medici.

Cela n'en fait pas «le nouveau (Roberto) Benigni, encore moins le nouveau Totò», acteur célébrissime en Italie, souligne Paolo Baldini, critique de cinéma au Corriere della Sera. N'empêche que, malgré le «dédain» que lui porte le cinéma italien plus intellectuel, oubliant «la commedia dell'Arte, Molière et les tartes à la crème», Quo Vado fait mouche.

«Il n'est pas question de phénomène, ni de philosophie, conclut le journaliste. Donc prenons-le pour ce qu'il est: une divertissante machine à faire de l'argent», sur le dos des Italiens, champions de l'autodérision.